Drama of Exile

Chronique

Sept ans après The End, Nico revient au disque en 1981 avec la première version de Drama of Exile. Première puisqu’une seconde sera éditée deux ans plus tard avec un tracklisting changé. Sans John Cale qui avait toujours été à ses côtés depuis son éviction du Velvet Underground et sans sa maison de disques Island qui la plante après des ventes trop maigres, Nico bifurque. Elle rencontre le producteur et bassiste corse Philippe Quilichini et sa femme Nadette Duget à Londres. Le premier lui permet de signer un contrat chez Aura Records, la seconde lui achète son héroïne. Elle s’adjoint les services de claviériste Andy Clark présent sur le dernier David Bowie (Scary Movies (and Super Creeps)) et du Franco-Iranien Muhammad Hadi qui assurera le bouzouki et la mandoline, pour donner une couleur rock arabisante voire psyché à certaines pistes (The Sphinx, Orly Flight dédiée à son fils Ari). Début mai 1981, l’enregistrement commence aux Gooseberry Studios de Tulse Hill, connus pour leurs prix ridicules et où les Sex Pistols enregistrèrent quelques démos.

Versant dans la new wave et parfois l’expérimental, Drama of Exile est un bijou d’étrangeté. Il débute en pleine montée avec le post-punk conquérant de Genghis Khan, son saxophone sorti de nulle part et le fameux harmonium que Patti Smith aurait offert à Nico, puis redescend aussitôt avec Purple Lips, sorte de messe gothique qui sera évacuée de la version de 1983. On use des boucles de synthés (Henry Hudson), de batterie martiale quasi funèbre (Sixty Forty). A part la quasi méconnaissable reprise de Waiting for the Man du Velvet et celle, plus fidèle, de Heroes de Bowie, Nico signe toutes les paroles. Elle chante comme jamais auparavant, poétise sur ses errances avec sa voix puissante, abîmée, de prêtresse presque flippante. Drama of Exile, qui deviendra The Drama of Exile deux ans plus tard avec deux morceaux en plus (Vegas et Saeta) et une pochette plus clean, reste définitivement à part dans la discographie de l’idole punk, qui vit ici son crépuscule. Quatre ans plus tard, Nico terminera sa course avec le très expérimental Camera Obscura où elle retrouvera John Cale. À noter que cette réédition est complétée de mix alternatifs. © Charlotte Saintoin/Qobuz