Le violoniste et chef italien Fabio Biondi, célèbre notamment pour son interprétation des “Quatre Saisons” de Vivaldi avec son orchestre Europa Galante, est de ceux qui rejettent toute forme de cloisonnement dans la musique. Retour sur le parcours d’un musicien doté d’une grande souplesse d’esprit et figure incontournable du violon baroque.

Palermitain de naissance, violoniste au talent précoce au sein d’une famille de mélomanes siciliens, Fabio Biondi a baigné dans la musique austère de Palestrina que son père écoute à longueur de journée. Son grand-père, avocat et bon pianiste amateur, a été un ami du compositeur Ruggero Leoncavallo. A 12 ans, enfant rebelle et original, Fabio Biondi fait déjà partie de l’ensemble I Giovani Cameristi de la RAI (la radio-télévision italienne). Il a 20 ans lorsqu’il fonde le quatuor Stendhal avec trois copains épris, comme lui, de musique baroque comme des minimalistes américains (Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass). Un grand écart qui sera à la base d’une programmation particulièrement audacieuse.

Passant rapidement au violon baroque, Fabio Biondi devient un violoniste très recherché à l’époque où de nombreux ensembles se créent. C’est ainsi qu’il devient le violon solo de plusieurs formations bien connues comme La Chapelle royale de Philippe Herreweghe, Les Musiciens du Louvre de Marc Minkowski, Hespèrion XX de Jordi Savall, Il Seminario musicale de Gérard Lesne, etc..

Soucieux de montrer qu’un musicien « baroqueux » n’est pas un musicien limité ni un « immigré du répertoire musical », Biondi joue toutes sortes de répertoires, comme la musique de Prokofiev qu’il aime particulièrement. Devenu chef d’orchestre, il dirige aussi bien son ensemble Europa Galante que des orchestres modernes avec le souci de leur apporter des articulations et des modes de jeu leur permettant d’aborder le répertoire baroque ou classique de manière correcte pour les oreilles d’aujourd’hui.

On a vu récemment Fabio Biondi (janvier-février 2020) à la tête de l’Orchestre de la Suisse romande dans la fosse du Grand Théâtre de Genève diriger pour la première fois L’Enlèvement au sérail de Mozart, dans une version très controversée avec un livret, en français, totalement réécrit par la poétesse turque Asli Erdogan racontant sa propre histoire et dans une mise en scène de Luk Perceval. Plus grand-chose à voir avec l’opéra original, mais une occasion pour Biondi de transgresser ce que l’opéra peut avoir de figé à travers une relecture radicale qui n’est pas sans rappeler les méthodes de production du XVIIIe siècle, où l’on se permettait tout et n’importe quoi.

« Il n’y a rien de plus insupportable pour moi, dit Fabio Biondi, que les catégorisations qui enferment toute vie. L’erreur du mouvement baroque a été d’imposer des règles d’authenticité. C’est quoi l’authenticité ? Il était essentiel d’aller rechercher d’autres comportements et façons de jouer plus originelles dans les textes manuscrits, mais sortir des carcans est tout aussi indispensable. L’attitude “historiquement informée” est pour moi la meilleure définition, car elle implique qu’on sache d’où l'on vient pour savoir où l'on va. C’est ce mouvement qui est vivant, pas de jouer court et sec pour la musique ancienne ou long et vibré pour la romantique. »

S’il joue sur plusieurs instruments italiens anciens, le violoniste utilise des cordes métalliques et un archet moderne copié d’après un modèle d’époque provenant de sa collection personnelle. Pragmatique, il ajoute : « Il faut savoir métisser pour obtenir ce qu’on recherche. Instrument ancien, ça ne veut rien dire, la construction changeait tous les vingt ans et n’était pas la même selon les régions. Les angles, la tension, la forme du chevalet étaient différents en Italie, en France ou en Allemagne. Quant au diapason à 415, c’est une bêtise totale. Il suivait des réalités identiques. En Angleterre en 1724, il était à 420. A Venise ou Naples à 440, à Rome à 407 alors qu’en France, Jean-Marie Leclair utilisait le 408. »

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