Directeur artistique du Festival de l'Abbaye de Fontdouce, Philippe Cassard présente la 20e édition qui s’ouvrira le 26 juillet prochain.

Né en 1994 autour de la musique classique, le Festival de l'Abbaye de Fontdouce s’est progressivement étoffé à d’autres styles comme le jazz. Pour la vingtième édition qui s’ouvrira le 26 juillet prochain, le pianiste Philippe Cassard s’est transformé en directeur artistique. Il évoque cette cuvée 2013 où se croiseront notamment Dominique Merlet, Natalie Dessay, Baptiste Trotignon, Geoffroy Couteau, Michel Dalberto, Olivier Hutman, Kyle Eastwood, Archie Shepp, Fiona Monbet, André Ceccarelli et bien d’autres.

Comment voyez-vous cette nouvelle « mission » à Fontdouce ?

Philippe Cassard : C'est arrivé par hasard, après avoir donné un récital lors de l'édition 2011. Je suis aussitôt tombé amoureux de Fontdouce, de la beauté des lieux, en pleine nature, dans l'arrière-pays charentais. Diversité des espaces où la musique peut vibrer (un réfectoire roman du XIIe siècle -la "Salle des Moines"- pouvant accueillir 400 personnes, une petite salle capitulaire gothique, une clairière devant le seul vestige de l'abbatiale romane qui est un grand mur de transept, un jardin à la française, un grand parc entouré d'arbres de 30 mètres de haut, dans lequel peuvent se rassembler jusqu'à 1500 personnes), c'est assez unique en son genre dans un périmètre aussi réduit ! J'ai accepté d'apporter mes propositions pour la programmation "classique" du festival (Thibaud Boutinet programme la partie "jazz"). Et pour reprendre votre mot "mission", je voudrais faire entendre et découvrir de grands pianistes en marge des circuits convenus de tant de festivals et saisons. On a l'impression qu'il n'y a qu'eux ! Cette année le Suisse Cédric Pescia, un pianiste de 37 ans dont le répertoire va de Couperin et Bach jusqu'à John Cage. Il jouera les trois dernières Sonates de Beethoven; le Russe Yevgeny Sudbin, que j'ai découvert en 2000 lorsqu'il avait remporté un prix au Concours International de Dublin, il est tout simplement génial; les Français Geoffroy Couteau (dans Brahms), Michel Dalberto (Schubert) et Dominique Merlet (Chopin et Fauré). Ce dernier a fêté ses 75 ans cette année, il est un concertiste magnifique, pédagogue unanimement reconnu. Et, comme en écho à la mémoire des lieux, un concert de musique sacrée par l'Ensemble Mare Nostrum, de Rome… L'an prochain, j'aimerais inviter Jean-Bernard Pommier, par exemple, Nelson Goerner, le tout jeune Benjamin Grosvenor... Il faut que le public connaisse ces musiciens de premier plan, qui, parfois, sont des stars dans leur pays d'origine.

Kyle Eastwood - © Jean-Baptiste Millot pour Qobuz.com

Comment définiriez-vous l’identité artistique du festival ? A-t-elle évolué/changé depuis 1994 ?

Philippe Cassard : L'identité d'un festival passe d'abord par le patrimoine qui est investi. Ici, la pierre, l'histoire, la mémoire, le souvenir religieux attaché aux restes d'une abbaye, comptent beaucoup. Et la famille Boutinet, propriétaire des lieux, fait en sorte que ce patrimoine soit rénové, restitué (ainsi, la Salle des Moines a été extraite des remblais il y a seulement trois ans !). Par ailleurs, le festival a, depuis ses débuts, fait jouer de jeunes talents, et je continuerai à en inviter, ainsi que je l'ai toujours fait depuis que je m'occupe de festivals (de 1997 à 2003 aux Estivales de Gerberoy dans l'Oise, de 1999 à 2008 aux Nuits Romantiques du Lac du Bourget en Savoie). La 20e édition, cette année, et, plus modestement, mon arrivée, contribuent à donner un coup d'accélérateur au festival. Nouveaux sponsors (Caisse des Dépôts, ainsi que la famille Camus, dernière de la région du Cognac a posséder encore sa marque), venue de Natalie Dessay et Baptiste Trotignon pour le concert d'ouverture, artistes de jazz de très grand calibre (Archie Shepp, Kyle Eastwood notamment).

Pourquoi vouloir mêler contes, musique classique et jazz dans un même festival ?

Philippe Cassard : Cela a toujours été ainsi depuis les débuts (je ne suis là que depuis quelques mois !). Mais il n'y a pas de contes... A l'intimité des espaces dédiés à la musique classique (Salle des Moines) répondent les concerts de jazz en plein air, sonorisés, plus familiaux, où l'on s'assoit dans l'herbe à la nuit tombée...

Baptiste Trotignon - © Jean-Baptiste Millot pour Qobuz.com

Quel type de public voulez vous toucher : les mélomanes avertis ou les néophytes ?

Philippe Cassard : Je ne fais aucune différence ni ne pratique aucune hiérarchie entre les publics. Cela ne m'intéresse pas, ce n'est pas la question, cela ne devrait d'ailleurs jamais être la question. Ces publics que vous définissez X ou Y, sont, de toute façon, tous présents, à plus ou moins grande échelle, et la programmation, diverse, permet à tous de s'y retrouver. Lorsqu'à France Musique je présente mes émissions du mercredi, je ne m'adresse ni aux "professionnels de la profession", ni aux mélomanes sachant lire la musique, ni aux néophytes ne connaissant rien au langage musical mais curieux de s'informer, ni aux journalistes de la presse spécialisée. En vérité, le principal, l'essentiel est que je parle de ce que j'aime, avec passion, avec autant de précision et de clarté que possible. Si cela peut fédérer tous ces publics, eh bien tant mieux ! Chacun prendra ce qu'il lui plaît, un peu, beaucoup, ou plus si affinités ! C'est exactement comme cela que j'envisage une programmation de festival. D'abord mon propre plaisir, mes propres goûts. Ensuite, convaincre l'ensemble du public que chacun y trouvera à son tour le plus grand plaisir et des émotions ineffaçables.

Le site du Festival de l'Abbaye de Fontdouce