Style inimitable hérité d'Art Tatum, classe immense, Oscar Peterson swinguait comme nul autre. Essentiel en trio, le grand pianiste canadien est décédé le 23 décembre à 82 ans.

Lorsqu'il s'agit de feuilleter le grand livre d'or des pianistes jazz, le nom d'Oscar Peterson n'est pas toujours mis en exergue… Le pianiste canadien qui vient de s'éteindre le 23 décembre dans la banlieue de Toronto, à son domicile, restera pourtant comme l'un des chapitres essentiels de ce grand livre…

Né à Montréal le 15 août 1925 dans une famille modeste d'origine antillaise, Oscar Emmanuel Peterson commença à apprendre la trompette et son père lui enseigna le piano à l'âge de 5 ans. Deux ans plus tard, il se consacra exclusivement au piano après avoir passé presqu'un an à l'hôpital, victime de la tuberculose. Son frère succombera d'ailleurs à cette maladie. Peterson débute sa carrière en 1943 en devenant le premier musicien noir d'un orchestre de danse populaire de la métropole québécoise. Ses premiers albums, comme I Got Rhythm remportent un franc succès, se vendant à des milliers d'exemplaires et lui valant le surnom de «bombardier brun du boogie-woogie». Mais c'est surtout grâce à son extraordinaire technique au piano qu'il se fait déjà remarquer.

Déjà reconnu comme phénomène du jazz au Canada, sa carrière prend un nouvel élan en 1949 lorsque le grand Norman Granz le présente aux États-Unis en tant qu'invité surprise au sein de l'orchestre Jazz at the Philharmonic, réunissant les plus grands musiciens américains, lors d'un concert au Carnegie Hall, à New York. Cette brève apparition, à 24 ans, fait sensation et marque le début de sa carrière internationale.

Oscar Peterson effectue régulièrement des tournées en Europe, souvent en compagnie de la chanteuse Ella Fitzgerald. Il affectionne particulièrement de se produire au sein de trios, aux côtés notamment du contrebassiste Ray Brown. Parmi les nombreux autres artistes avec qui il a travaillé figurent Louis Armstrong, Roy Eldridge, Duke Ellington, Nat King Cole, Stan Getz, Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Joe Pass, Ben Webster ou Lester Young.

En tant que compositeur, il écrit divers thèmes de jazz, dont Hymn To Freedom, l'une de ses plus illustres pièces qui célèbre le mouvement américain des droits civils dans les années 1960. Son œuvre la plus importante est Canadiana Suite (1963), un tour d'horizon en huit parties de son pays natal.

Des influences impressionnistes et de la fin du romantisme sont souvent perçues dans son jeu. «Oscar est un vrai romantique dans le sens du XIXe siècle, avec en plus la tradition du jazz afro-américaine du XXe siècle. Il est un virtuose de premier ordre», dit de lui dans les années 1970 le compositeur et pianiste argentin Lalo Schifrin.

Teddy Wilson, Nat King Cole, James P. Johnson et le légendaire Art Tatum, avec lequel beaucoup essayèrent plus tard de le comparer, furent ses maîtres. Peterson lui-même disait avoir été influencé par le style de Tatum, célèbre dans les années 1930 à 1950. Mais il «possède un don pour le swing instantané que Tatum n'a jamais égalé», estimait pour sa part dans les années 1970 le critique canadien Gene Lees. Ce dernier soulignait les «passages brillants, clairs et parfaitement équilibrés, comme des jaillissements d'étincelles, grands accords plaqués au parfait endroit alors que la main gauche joue des dixièmes sans effort».

En 1993, Oscar Peterson fait un accident vasculaire-cérébral au cours d'un concert à New York. Malgré cela, il termine son récital, mais doit annuler une tournée prévue en Europe. Il continue à se produire, mais ralentit son rythme, et est même obligé en 2007 à renoncer au festival de jazz Toronto.

Le site officiel d'Oscar Peterson