A l'heure où de sombres menaces planent sur les festivals de l'été, suite au projet de réforme du système d'indemnisation chômage des intermittents du spectacle, votre QOBUZ vous invite à vous pencher un peu sur l'origine du mot et de la chose. L'origine du mot est latine, festivitas, "réjouissances" et la chose provient de traditions rituelles ancestrales destinées à célébrer un lieu ou une personnalité. Mais aujourd'hui on rencontre ce genre de manifestation musicale dans le monde entier. Les festivals sont souvent liés à l'idée de concours, comme en Grande-Bretagne ou en Allemagne dans les confréries de chanteurs au XVIe siècle, tel qu'on le voit dans l'opéra Les Maîtres Chanteurs, de Richard Wagner, dans lequel tous les personnages sont historiques, à commencer par la noble figure de Hans Sachs (portrait ci-dessus) dont les jeux de carnaval sont considérés comme ses meilleures créations et sont toujours joués de nos jours.

Si l'on remonte loin le cours de l'histoire on peut considérer que les jeux Olympiques qui avaient lieu en Grèce tous les quatre ans (de - 776 jusqu'à la fin du IVe siècle avant J.-C.) étaient bien un sorte de festival qui mêlait la musique et la danse aux compétitions athlétiques et aux célébrations religieuses. A Rome, de semblables festivités avaient lieu à des dates précises et été fort prisées. A la Renaissance, l'Église catholique s'empare de ce style de fête pour fêter Saint-Patrick (Irlande), Sainte-Cécile (Londres) ou, en France, dans les fameux Puys de musique, comme celui d'Évreux, le plus fameux et le plus important fondé à l'initiative de Guillaume Costeley, compositeur et organiste du roi. C'était un concours ouvert à tous les musiciens du royaume. Les deux motets primés étaient chantés devant le portail de l’église Notre-Dame avant qu’on révèle le nom de leur auteur, tandis que les autres pièces étaient interprétées dans la cour de la maison des enfants de chœur. Il arrivait que les chanteurs d’Évreux soient assistés, pour cela, par des instrumentistes ou des chanteurs venus de la région ou de Paris. Les lauréats pouvaient y gagner plusieurs prix sous la forme de belles pièces d'orfèvrerie.

Au XVIIIe siècle, des festivals de chant choral sont organisés dans toute l'Europe avec l'exécution de grands oratorios (Haendel) joués par des effectifs pléthoriques. En Allemagne et en Autriche, la popularité de la musique chorale (Haendel et Haydn) a généré la création de nombreux festivals. L'exécution de La Création de Haydn, sous la direction de Ludwig Spohr, en 1820 est souvent considérée comme le premier véritable festival allemand. Dès lors, le mouvement est lancé et ne s'arrêtera plus. Parmi les plus fameux, citons le Festival Bach de Leipzig (1843), le Festival Beethoven à Bonn (1845), le Festival de Rhénanie à Düsseldorf où Schumann tient la vedette (1853, le Festival Haendel de Halle (1858) et le Festival Mozart de Salzbourg (1870, puis recréé en 1920 par Max Reinhardt et Hugo von Hofmannstahl), celui de Bayreuth que Wagner lance à Bayreuth 6 ans plus tard, un projet mégalomane dans un théâtre construit pour jouer uniquement ses propres oeuvres.

Au XXe siècle, les festivals européens se sont multipliés. Certains festivals ont vu le jour dans un contexte touristique pour promouvoir la beauté ou la richesse patrimoniale d'une région, ils peuvent être aussi le vecteur d'un certain nationalisme comme le Festival de Dublin ou le Festival Interceltique de Lorient. Une empreinte que l'on remarque aussi dans les Festivals de Budapest, Bratislava ou Prague).

Le rayonnement d'un festival est souvent si puissant que l'évocation seule d'un lieu se rappelle au bon souvenir des mélomanes. Citons, pêle-mêle, Glyndebourne, Drottningholm, Lucerne, Bregenz, Vérone, Munich, Montreux, Aix-en-Provence, Salzbourg, Prades, Marlboro. Des lieux bientôt rejoints par La Roque d'Anthéron, La Folle Journée de Nantes, Ambronay, Saintes, Orange, Auvers-sur-Oise, Colmar, Sablé et bien d'autres, car, au fil des années, la France est devenue une très riche terre de festivals. Ils croissent à un rythme impressionnant et on ne compte plus villages et bourgades qui créent leur propre manifestation qui prend aussitôt le nom de "festival" quelquefois de manière abusive.

Il y a de grands absents dans la programmation de tous ces festivals français cette été. Frilosité ? Ignorance ? Un peu des deux peut-être pour passer presque sous silence un compositeur aussi majeur que Carl Philipp Emanuel Bach dont on fête le tricentenaire de la naissance cette année. Heureusement il y a le disque et de nombreuses nouveautés dont QOBUZ se fait l'écho, mais la musique vivante aurait pu lui rendre hommage. Et où trouve-t-on Albéric Magnard à l'heure où l'on commémore à tort et à travers le centenaire peu glorieux de la "Grande guerre" ?

Ce regret mis à part, on ne peut que se réjouir de cette magnifique diversité culturelle qui est aujourd'hui menacée. Il reste à souhaiter que le triste scénario de 2003, qui avait annulé la majorité des festivals de notre pays, ne se reproduise pas et qu'une solution pourra être trouvée dans le calme et la sérénité. Ne dit-on pas que la musique adoucit les mœurs...