Quel est le dénominateur commun de cet inventaire hétéroclite ? Une région de France, le Jura, devenu un des hauts-lieux de la musique baroque depuis presque 30 ans, grâce à la volonté et à la ténacité de Didier Perret, créateur du Festival du Haut-Jura. Tout a commencé en 1987, lorsque la Jeune Chambre Économique cherchait des actions pour développer Saint-Claude et sa région sur le plan culturel. Ainsi, la capitale historique de la pipe (en bruyère ou en écume) s'est dotée d'un embryon de festival avec l'audition cette année là du Requiem de Mozart, devant un auditoire de mille personnes. Du jamais vu, ni jamais entendu, dans cette petite ville bâtie au fond d'une vallée encaissée, dominée par les sommets du Haut-Jura, tels que le mont Bayard, le Pain de Sucre, le Crêt Pourri ou le mont Chabot. Fort de ce premier succès le Festival du Haut-Jura va peu à peu se constituer en surfant sur la vague baroque, à l'imitation du Festival d'Ambronay qui restera le grand frère de la manifestation jurassienne, avant de trouver son rythme et sa propre personnalité.

Le Festival du Haut-Jura s'est vite entouré d'artistes "maison" comme l'Argentin Gabriel Garrido et son Ensemble Elyma ou Roberto Festa à la tête de Daedalus. Deux artistes qui travaillent à Genève, éloignée seulement d'une soixantaine de kilomètres. Puis le sillon s'est peu à peu creusé pour accueillir les grands noms de la musique ancienne et de la musique baroque. L'homme de radio Jacques Merlet, toujours à l'affût de ce qui ce faisait de mieux dans son répertoire de prédilection, a soutenu aussi le Festival naissant sur les ondes de France Musique qui s'est déplacée plusieurs fois pour des émissions ou des captations.

La vaste cathédrale de Saint-Claude (photo ci-dessous) a longtemps été considérée comme impropre au concert, à cause d'une acoustique trop réverbérante qui s'est, à la longue, révélée propice à un certain répertoire. Cet édifice du XVIème siècle, avec ses galeries suspendues, se prête à ce « chant de loin » que maîtrise parfaitement le chef italien Marco Mencoboni - raconte Didier Perret. Les gens fuyaient parce que l’écho est de plus de six secondes mais cela devient un avantage en disposant les chanteurs dans ces galeries à 45 mètres de hauteur. La musique vous tombe dessus ! C’est un miracle.

La cuvée 2014 (n'oublions pas que nous sommes aussi dans un pays de vin, Ce joli vin qu'on buvait en Arbois, chante Jacques Brel) s'annonce particulièrement brillante avec un programme consacré aux sources du baroque, c'est à dire à cette Italie qui n'est pas très éloignée de Saint-Claude et de sa région. C'est ce grand mouvement initié par la Contre-réforme que le Festival va souligner cette année, dès le 6 juin avec des concerts qui s'étendent sur trois week-ends.

Coup d'envoi avec des oeuvres de Claudio Merulo, flamboyant musicien qui a travaillé, entre autres, pour Saint Marc de Venise dont l'acoustique opulente peut être mise en parallèle avec celle de Saint-Claude. C'est ce "Cantar Lontano" que Marco Mencoboni va s'attacher à déployer dans la vaste nef jurassienne. Rendez-vous le lendemain dans la capitale de la lunetterie, Morez, avec la reconstitution d'une comédie carnavalesque dans la Venise du XVIe siècle, sous la direction de Patrizia Bovi et Micrologus. Elle mettra en scène les personnages séculaires de la malmariée, de la vieille, du militaire et, évidemment, d'un bellâtre Don Juan.

Cette riche programmation continuera avec des points forts comme les Solistes du Concert d'Astrée avec le contre-ténor Patrick Bertin, ou la Cantate per la Durastanti de ce grand amoureux de l'Italie qu'était Handel, chantée par Adriana Fernandez. Une découverte aussi, ce sera au Temple du Brassus (car le Jura est aussi Suisse), avec Le Déluge universel (Il Diluvio universale) de Michelangelo Falvetti, un oratorio écrit en 1682 à l'époque où il fut Maître de chapelle à Messine. Concert très attendu sous la direction de la nouvelle star du baroque, Leonardo Garcia Alarcón. Louise Moaty et Benjamin Lazar diront des Fables de La Fontaine (18 juin) accompagnés au théorbe par Thomas Dunford.

Une occasion unique pour partir à la découverte de musiques peu connues dans des sites agrestes et bucoliques. Avec un peu d'imagination vous pourrez peut-être croiser Ovide et Euterpe, loin de notre vaine agitation contemporaine.