Cerveau du groupe Gravenhurst, le songwriter britannique Nick Talbot est décédé à seulement 37 ans.

Nick Talbot est décédé le 4 décembre 2014. La disparition à 37 ans du leader de Gravenhurst a été annoncée par son label Warp. Songwriter doué originaire de Bristol, Talbot avait fait de son vrai-faux groupe Gravenhurst l’une des formations les plus attachantes d’outre-Manche de ces dix derniers années…

Derrière le minimalisme de façade, Gravenhurst offrait la tourmente ! La vraie ! Une mini tempête faussement folk et vraiment ensorceleuse. Depuis le raz-de-marée trip-hop emmené par Massive Attack et Portishead, et quelques autres faits d'arme comme le cultissime label Sarah, on savait la région de Bristol peu enclin à la blague de régiment… Gravenhurst fut un nouvel indice sombre et crépusculaire de l'ambiance qui règne sur la capitale du comté d'Avon. Derrière ce nom de Gravenhurst se cachait donc cet austère mais génial homme-orchestre, Nick Talbot. Un brodeur de mélodies d'obédience folk, tendance neurasthénique, qui ne se limitait pas à revêtir le costume (trop large pour lui) d'un Nick Drake voire d'un Bert Jansch ou d'un John Renbourn, ces grands timoniers tristes de la scène folk britannique de la fin des années 60. Car Talbot avait l'électricité chez lui, et donc quelques machines dont il usait avec parcimonie. Mystérieux comme un décrochage spatio-temporel, c'est là que tout bascule. Lorsque ce folk en apesanteur aborde les rives d'un psychédélisme minimaliste. Lorsqu'il fronce les sourcils et s'abandonne aux tics répétitifs et planants du Krautrock ou aux transes saturées des derviches tourneurs du mouvement shoegazer de la fin des années 80. On pensait alors à une version anorexique de My Bloody Valentine, de Spiritualized ou des Pale Saints…

En signant sur Warp, Nick Talbot amplifiera le mystère de son écriture qui a su hypnotiser les pontes de cet exigeant label habituellement spécialisé dans les esthètes de la cause électronique pure et dure. Gravenhurst serait encore de la musique d'étudiant junky acnéique et amère? On imagine bien Talbot seul dans sa chambre, bizuté quotidiennement dans la cour de récré, et décidé d'en découdre avec le monde armé de sa guitare en bois, de quelques munitions électroniques et de sa voix en apesanteur… C'est avec le riche Fires In Distant Buildings, son album sorti en octobre 2005, que l'univers de Gravenhurst s'est réellement étoffé. Que toutes les phobies du jeune homme se sont imbriquées les unes dans les autres avec cohérence. Et sa propension à jouer le Bien et le Mal dans une même composition est de plus en plus prodigieuse.

C'est cet antagonisme de base devenant fusion qui rendait si originale la musique de Gravenhurst. L'accepter, c’était s'abandonner, se perdre corps et âme dans un songe vaporeux qui ripait soudainement vers une tempête des plus intérieure… Une sensation unique bien résumée sur l'hallucinante version chamanique de plus de neuf minutes du See My Friends des Kinks qui concluait Fires In Distant Buildings ; le Velvet n'était alors pas loin. Nick Talbot avait également osé une relecture toute aussi radicale de Diane d'Hüsker Dü, cette jolie ballade hardcore d'un routier tueur trimballant le corps de sa victime… Il y aura The Western Lands en 2007 puis The Ghost In Daylight en 2012 (un disque Qobuzissime !), deux superbes autres preuves du talent du jeune défunt… Il y a quelques jours, Warp avait également publié Offerings: Lost Songs 2000 – 2004, une compilation de rareté et d’inédits du début des années 2000.

Sur scène, Nick Talbot et ses quelques aides de camp arrivaient aisément à recréer leurs grands écarts, à propulser leurs petites mélodies intimistes et justes immaculées vers des cieux plus tourmentés. Des instants rares qui vont nous manquer…

Gravenhurst - Hollow Men

Warp Records

Artistes