Jordan Moser, révélation folk

Malgré les clichés sur le port d’armes ou les pickup trucks, le Texas recèle un écosystème musical fertile depuis plus d’un siècle. Buddy Holly, Ornette Coleman ou encore Janis Joplin sont des enfants du Lone Star State, ainsi que divers genres musicaux comme le conjunto, le tex-mex, ou le chicano rock. Cette effervescence est en partie le fruit de sa situation géographique, à la croisée entre le Midwest, le Deep South et le Mexique. La culture cowboy y a bien entendu une place centrale, défendue avec ardeur par ses habitants à travers la country outlaw dans les années 70. Willie Nelson, Guy Clark, Townes Van Zandt sont quelques-uns des artistes qui vont former le cœur de ce mouvement, né en réaction face à la commercialisation extrême de la musique de Nashville. La tradition narrative leur est importante, voir centrale.

Ce qui nous amène, 40 et quelques années plus tard, à Jordan Moser. Il fut danseur dans une compagnie de ballet à Austin durant dix ans. On pourrait dire que la grâce et la puissance de Long Night qui vient de paraître constituent en cela une déformation professionnelle ; le jeu de tension et de relâchement du titre éponyme, bercé d’un Rhodes lancinant, est aussi sensuel que mélancolique. Puis il y a la présence intermittente de la deuxième voix de Molly Burch, qui apporte une intimité supplémentaire et une fin à couper le souffle sur Road To Trouble.

L’instrumentation de ce premier disque est classique (principalement guitares et lap steel) mais les arrangements sont conçus d’une telle façon que l’ensemble ne sonne pas « country » au sens stéréotypique ; Moser préfère des rythmes plus lents que le country swing traditionnel, en partie grâce au jeu de batterie mesuré de Jeff Crozier.

Enfin, en termes lyriques – puisque c’est là qu’il partage la plus grande affinité avec Clark ou Van Zandt : le Texan est doué d’une plume agile, et semble se jouer de ses propres ambivalences par rapport au passage du temps et l’amour qui se fane.

Sur The Devil, il ironise :« I may be blind, but I’m full of penetrating vision / Radiate for ever, like the first radio transmission ». Long Night semble rempli de ces phrases douces-amères, qui pourraient tirer un sourire ou une larme selon l’humeur. En somme, ce premier album de Jordan Moser auprès du label Keeled Scales comporte le package total : le talent musical, le sens de l’écriture, et une exécution sensible. Seul bémol : avec tout juste 30 minutes de musique, la longue nuit aurait pu durer un peu plus longtemps…

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