Police & Thieves

Chronique

Police & Thieves possède comme la majorité des enregistrements sortis des studio Black Ark de Lee "Scratch" Perry, une part de magie inexplicable. En effet, Junior Murvin est pratiquement inconnu quand il est accepté par le sorcier du dub dans son antre noir en 1976. Il en ressort avec un album comparable en qualité à War Ina Babylon de Max Romeo, et avec un titre qui restera dans l'histoire au point d'éclipser totalement son auteur.

Surtout connu pour son falsetto et ses reprises de soul, Junior Murvin est sublimé comme d'autres avant lui par les échos et les nappes d'arrangements sortis des collages insensés de Lee "Scratch" Perry. Sortie à l'été 1976, la chanson « Police and Thieves » conte l'incessant jeu du chat et de la souris rasta entre les rude boys de Kingston et une police pas forcément bien intentionnée. Le titre connaît d'abord un vrai succès tant en Jamaïque qu'en Angleterre où il est l'un des hits reggae de la période. Il va surtout devenir le symbole de la rencontre du punk et du reggae à travers la version qui figure sur l'album The Clash en avril 1977.

L'album ne vaut pas que pour son célèbre morceau titre, bien au contraire il offre une nouvelle leçon de reggae de la part de son serviteur le plus déjanté. Gonflé aux basses  « Lucifer » apporte un contraste aux aigus de la voix de Junior Murvin, avec un skank qui tourne dans une boucle sans faille. Contrairement au très urbain « Police and Thieves »,  « Working in the Cornfield » fait appel à un reggae des campagnes qui résonne comme un funeste chant d'esclave. Seul et petit hit de Junior Murvin avant « Police and Thieves », « Solomon » figure ici dans une version étrange, avec notamment une trompette qui part en vrille sur l'intro et un rythme ska à l'alanguissement contagieux. 

Ce disque sera hélas sans suite, les deux hommes ne renouvelant jamais leur collaboration si ce n'est sur des titres épars. Junior Murvin n'est pas non plus devenu une star et est retourné dans un anonymat parsemé de quelques albums sans intérêt majeur. Ressorti en juillet 2013 dans une réplique du vinyle d'origine sur le label Boss Shots, Police & Thieves reste un classique du reggae dont l'oubli est interdit.

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