Our Skin May Be Different, But Our Blood Is the Same

Chronique

Le destin de Salif Keita est exceptionnel, mais il est très loin d’être partagé par les Africains, qui, comme lui, souffrent d’albinisme. Cette dégénérescence génétique les prive de pigmentation, ce qui les rend très sensibles au soleil et favorise le développement du cancer de la peau. Cette maladie est vécue comme une malédiction qui les maintient aux marges de la société et les met en danger. Autour des albinos se sont développées des superstitions qui les assimilent à des créatures démoniaques, dont certaines parties du corps entrent dans la composition de potions ou de gris-gris censés apporter chance et richesse. En Tanzanie, de nombreuses familles abandonnent leurs enfants albinos sur Ukerewe, la plus grande île du lac Victoria. C’est ici que l’histoire de ce disque démarre. Connu pour son travail de collecte autour du monde ou pour avoir contribué à apporter un Grammy Award au groupe touareg Tinariwen (Tassili, 2011), le producteur américain Ian Brennan est parti à Ukerewe en 2016 pour travailler sur des ateliers d’écriture musicale pour le compte de l’ONG britannique Standing Voice, qui se bat notamment pour aider et défendre les albinos en Tanzanie. Cette démarche n’avait rien d’évident, car la musique n’est pas familière aux albinos auxquels on interdit souvent le chant. Les thématiques des chansons – Why Are You Killing Us ? (Pourquoi nous tuez-vous ?), Running from the Sun (s’échappant du Soleil), Swimming in Sorrows (Nageant dans le chagrin) – attestent de la douleur ressentie et de la force de sentiments enfouis. Le plus souvent bribes ou fragments plutôt que chansons classiquement architecturées, ces cris du cœur, qui s’élèvent au son de percussions improvisées ou de guitare, sont émouvants et bouleversants. © Benjamin MiNiMuM/ Qobuz