ØF KINGDØM AND CRØWN

Chronique

Robb Flynn n’en fait qu’à sa tête depuis toujours, à la grande joie de ses détracteurs qui ne se gênent jamais pour lui tailler un costard dès que le leader de Machine Head fait un pas de travers, ou estimé comme tel. Ainsi, en 2018, Catharsis s’est fait pourfendre par la critique pour avoir flirté avec le nu-metal. On peut imaginer assez facilement que cette encombrante influence a même semé la zizanie au sein du groupe puisque le guitariste Phil Demmel et le batteur Dave McClain sont partis avec fracas après de nombreuses années de loyaux services (respectivement quinze et vingt-deux ans, une paille). Il est probable que ce revers cuisant ait fait son chemin dans la tête de Flynn qui revient au charbon avec l’album de Machine Head le plus convaincant depuis The Blackening (2007). Rempli de titres forts, à la fois brutal mais toujours catchy, Of Kingdom and Crown a tout en main pour fédérer un large public. Des singles imparables bien sûr (Unhallowed, My Hands Are Empty, No Gods No Masters), mais également des pépites thrash qui vous pulvérisent dès l’intro (Become the Firestorm, Choke on the Ashes of Your Hate, ou encore le presque keupon Bloodshot). L’intégration de Vogg (Decapitated) au poste de deuxième guitariste n’a pas eu lieu que pour faire joli sur le papier : certaines rythmiques sont totalement affolantes.

Confinement oblige, le groupe a dû enregistrer l’album sans son batteur anglais (Matt Alston) qui ne pouvait le rejoindre en studio : il a donc été débaucher l’incroyable Navene Koperweis chez Animals As Leaders, et le résultat est bien évidemment d’une efficacité et d’une finesse remarquables. Mais la plus grosse surprise que réserve ce dixième album est ailleurs : Rob Flynn a bossé sa voix claire durant la crise sanitaire, et ses interventions sont tout simplement brillantes. Proche d’un Corey Taylor dans Stone Sour, il sait maintenant jongler entre sa voix de stentor et des émotions beaucoup plus nuancées, sans jamais tomber dans la bluette doucereuse (on parle tout de même du gars qui a écrit Davidian). Les harmonies vocales partagées avec le bassiste Jared MacEachern sont exemplaires, et cette nouvelle corde à l’arc de Machine Head change pas mal de choses en termes de classe et de subtilité. A l’image du titre fleuve Slaughter the Martyr qui ouvre l’opus avec ses dix minutes qu’on ne voit pas passer, Of Kingdom and Crown s’écoute d’une traite et varie les plaisirs tout en restant constamment cohérent. Ce n’est pas un mince exploit. © Charlélie Arnaud/Qobuz