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Antonio Soler

S'il n'y avait eu Scarlatti dans les parages, Antonio Soler aurait été le plus grand compositeur espagnol (catalan, pour les Catalans) du XVIIIe siècle. Et si l'on considère que Scarlatti était en réalité italien, quand bien même il vécut les trente dernières années de sa vie à la cour d'Espagne, Soler est bel et bien le plus grand compositeur espagnol (catalan, pour les Catalans) de l'époque baroque. Et sans doute aussi le plus prolifique, puisqu'on lui connaît quelque deux cent Sonates pour le clavier, beaucoup plus amples que celles de Scarlatti qui, elles, ne comptent qu'un seul mouvement là où celles de Soler en comptent trois ou quatre ; autre différence notable, Soler fait usage de la « basse d'Alberti » (si souvent utilisée par Haydn et Mozart, au piano bien plus qu'au clavecin) que Scarlatti n'utilise pas. On lui doit également de très originaux quintettes pour orgue et quatuor à cordes, six rares concertos pour deux orgues (ou deux clavecins à défaut de deux orgues), neuf messes, cinq requiems, treize magnificat. Certes, ces oeuvres religieuses n'ont pas encore l'ampleur de celles des générations suivantes (une messe de Soler dure une dizaine de minutes) mais leur originalité harmonique et thématique les place à part dans la production sacrée baroque.



L'autre domaine dans lequel s'est distingué Antonio Soler, c'est celui du villancico. Le villancico est un chant, plus ou moins profane et plus ou moins sacré, proche du noël français. L'origine des villancicos se perd dans le Moyen Âge ; on pense que les premiers datent du XIIIe siècle, et qu'ils alliaient chant et danse dans un mélange pas très catholique. Mais bientôt l'Eglise s'en saisit, les compositeurs religieux aussi, et avec eux un langage plus fouillé et plus polyphonique que la chanson quasiment populaire ancienne (villancico vient de villano, «vilain», un paysan ou un roturier). À partir de l'époque baroque, le genre se développa grandement en Espagne et dans ses colonies américaines. On chantait les villancicos au cours des matines des fêtes catholiques ; dans les colonies on ajoutait parfois des textes didactiques destinés à éclairer les nouveaux convertis ; le service de matines comprenait trois nocturnes, chacun avec trois répons et trois lectures, d'où parfois neuf villancicos par service ! Il en fallait pour les fêtes de l'Immaculée Conception, Noël, l'Epiphanie, Corpus christi, l'Ascension, l'Assomption, la saint Jacques, saint Pierre et saint Paul, sainte Cécile et tant d'autres fêtes obligatoires. On y trouvait un étonnant mélange de sacré et de profane, d'où sans doute la grande popularité de cette liturgie.



De son nom complet Antonio Francisco Javier José Soler Ramos, le padre Soler est né en 1729 en Catalogne. Après des études à l'Escolania de Monserrat, une institution pédagogique musicale et généraliste comportant un excellent choeur de garçons (depuis le XIIe siècle jusqu'à nos jours !), il fut ordonné prêtre à l'âge de vingt-deux ans. Peu après on le trouve comme hiéronymite à l'Escurial (de son nom complet « Site royal de Saint-Laurent-de-l'Escurial », un ancien palais des rois d'Espagne), où il finit maître de chapelle auprès de la cour royale. On pense que la majeure partie de ses sonates ont été écrites au titre de pièces didactiques pour son élève Gabriel de Bourbon, le très doué et très cultivé infant d'Espagne. C'est aussi pour lui qu'il écrivit ses concertos pour deux orgues, destinés à être joués en l'église de l'Escurial.



Hélas pour Soler, son oeuvre la plus célèbre, «le» Fandango, n'est peut-être pas de lui. L'ouvrage fut redécouvert dans les années 60 par le claveciniste Rafael Puyana ; s'il ne fait aucun doute qu'il date de l'époque baroque (ce n'est pas un vulgaire faux comme « l'Adagio d'Albinoni »), rien ne permet d'affirmer qu'il est bien de Soler ou pas... de sorte que les spécialistes hésitent à trouver que c'est génial (puisque c'est du Soler) ou seulement très bien fichu (puisque ce n'est pas du Soler). Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une pièce fascinante de vivacité et d'émotion sauvage.



Enfin, Soler a publié en 1762 un célèbre ouvrage : Llave de la modulacion, y antiguedades de la musica en que se trata del fundamento necessario para saber Modular : Theorica, y Práctica para el mas claro conocimiento de qualquier especie de Figuras, desde el tiempo de Juan de Muris, hasta hoy, con algunos Canones Enigmáticos, y sus Resoluciones ou, en bon françois : « La clé de la modulation, et antiquités de la musique, où l'on traite des bases nécessaires pour savoir moduler : théorie et pratique pour une meilleure compréhension de tout type de figures, depuis l'époque de Juan de Muris jusqu'à nos jours, avec quelques canons énigmatiques et leurs solutions ».



Padre Soler est retourné ad patres en 1783, sans jamais avoir quitté l'Espagne et ses fonctions à l'Escurial. On ne connaît apparemment aucun portrait indiscutablement de lui. Mais alors, d'après quelle source le timbre espagnol de 1983 de 38 pesetas a-t-il été établi, puisqu'il affiche fièrement un portrait du compositeur ? Mystère.



© Qobuz 01/2013

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