What Kinda Music

Chronique

Le titre de l'album est justifié et son morceau d'ouverture du même nom constitue d'ores et déjà une entrée en matière d'anthologie avec ce tambourinement de caisse profond, sur une boucle de clavier scintillante. L'auteur de la frappe, Yussef Dayes, est l'un des protagonistes les plus actifs de la scène jazz londonienne qui ne cesse de réinventer le genre au fil de sorties et de rencontres excitantes. Batteur et percussionniste chez United Vibrations et au sein du duo éphémère Yussef Kamaal, qui a produit en 2015 le vertigineux Black Focus, il a croisé en studio la route de Tom Misch, multi-instrumentiste doué au catalogue instrumental des plus variés entre l'electro downtempo, la neo-soul, le R&B alternatif, le rap et le jazz.

Bien que fortuite, cette rencontre a donné lieu à un échange d'après-séance si fructueux que c'est la matière de tout un album, le présent What Kinda Music, qui en est sortie entre les deux musiciens qui font voler les étiquettes. Le jazz, l'electro et la soul sont au coeur de ce dialogue où s'incruste le rap, comme sur le planant « Nightrider », avec Freddie Gibbs.

Le battement polyvalent de Yussef Dayes, particulièrement mis en avant dans la prise de son, est un élément à part entière de l'album où se succèdent les climats sensuels et ambient de Tom Misch. L'une des réussites de ce canevas aux ambiances tamisées est le titre « Festival », que des nappes électroniques et une guitare noyée dans le mixage survolent paisiblement avant l'avalanche sonore finale.

Ce ne sont pas les seuls motifs de satisfaction d'un album qui jouent sur différentes strates, l'ambiance globale, le chant, la frappe minutieuse et les multiples détails de la production. Les roulements de caisse claire dans « Tidal Wave »,

la guitare wah-wah psychédélique de « Sensational », les choeurs filtrés en boucle de « The Real », le sample de guitare jazz dans « I Did It for You », le piano funky de « Last 100 » ou les changements de rythmes de

« Julie Mangos ».

L'ensemble a un côté old school comme savaient le faire les meilleurs rappeurs dans les années 1990, actualisé par des couches successives de sons. La basse de Rocco Palladino, fils de la star de l'instrument Pino Palladino, irrigue « Lift Off », tandis que l'instrumental « Kyiv » (Kiev) repose sur le jeu fluide de Tom Misch et que son acolyte, le saxophoniste Kaidi Akinnibi, offre un duel réjouissant avec Yussef Dayes sur « Storm Before the Calm ». Cet éclectisme cerne parfaitement l'ouverture musicale qui règne à Londres en 2020.

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