The Spur

Chronique

Album après album, Joan Shelley creuse un peu plus profondément le sillon de sa musique héritée des grands artisans folk. Sandy Denny, Vashti Bunyan, Joan Baez, Linda Thompson, Nick Drake ou – surtout – Gillian Welch, l’Américaine de Louisville connait tout ça par cœur. Mais elle évite le pastiche, esquive la taxidermie et s’interdit la simple copie. The Spur est une nouvelle merveille à la fois déconnectée d’une quelconque modernité mais également viscéralement ancrée dans le quotidien. Loin de la pollution sonore de la grande ville, lovée dans la terre et la nature, Shelley, jeune maman, sculpte ses miniatures où il est question d’amour (heureux ou malheureux), d’isolement, d’existence en général. Toute cette matière utilisée depuis la nuit des temps par tous les folkeux de la planète, Joan Shelley en fait de superbes tableaux naïfs et beaux, parfois enjolivés à la feuille d’or grâce à un instrumentarium étoffé (un piano, une contrebasse, un violoncelle, un dobro, une mandole, des cuivres). Il est surtout fou que tant de classicisme, et qu’un matériau aussi convenu, accouchent d’un disque aussi radieux, aussi intense… Le charismatique Bill ‘Smog’ Callahan vient pousser la chansonnette à ses côtés sur Amberlit Morning. Meg Baird en fait de même sur Forever Blues et Between Rock & Sky. Mais le principal invité de cet élégant The Spur reste le silence, l’espace, le non-dit, les respirations. C’est dans ces petites bulles de liberté que Joan Shelley impose son style qui n’a alors aucun compte à rendre à ses illustres aînés auxquels on peut parfois penser. © Marc Zisman/Qobuz