Shahen-Shah (Real World Gold)

Chronique

Célébré l’année précédente au Festival de Cannes pour la partition de Birdy, film d’Alan Parker, c’est dans l’euphorie d’une intense période de création que Peter Gabriel crée en 1985 Real World, label discographique chargé d’établir des liens entre les technologies de pointe et des expressions culturelles (prioritairement musicales) extra-européennes. Trois années plus tard, la compagnie, douillettement nichée dans un manoir à proximité de Bath (Angleterre), a des difficultés à se forger un nom sur le marché international. Ces détails de géo-économie afin de pointer que si Real World a eu un impact plus que positif sur la carrière de Nusrat Fateh Ali Khan, la réciproque n’en est pas moins vraie.   En 1988, Nusrat est en effet la star absolue du sous-continent indien : ses nouveaux amis britanniques vont lui appliquer un assez curieux traitement de marketing altermondialiste, tendant à faire de lui une vedette islamique au parfum occidental. Shahen-Shah (« La Plus brillante étoile ») est la première rencontre entre ce projet et la réalité, celle des neuf musiciens qui composent Party, groupe du chanteur pakistanais.   Aucune intervention occidentale dans la musique ici, simplement la beauté de six longues pièces du répertoire traditionnel, emmenées par la cavalcade obstinée des percussions (et en particulier des tablas), du grondement en boucle de l’harmonium (c’est le frère de Nusrat qui s’en charge) et, plus que tout, de la voix céleste du leader, en tout instant au sommet de son art. On comprend mieux, à l’écoute de ces premières chansons offertes à l’Europe puis au monde, quel effet put avoir ce chant puissant, inspiré simultanément d’une extase mystique proche d’un sentiment de révélation, et de considérations plus terre à terre, mais tout aussi indispensables, comme l’amour charnel.   Ce disque sera frénétiquement samplé par une génération de DJ, sinon audacieux et inventifs, du moins opportunistes, ce qui permet à Nusrat de poursuivre son irrésistible avancée dans les cœurs occidentaux. L’album atteint la douzième position des classements de musiques du monde. Une étoile est née…  

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