Opvs Contra Natvram

Chronique

Malgré une longue carrière au service de la cause black death débutée en 1991, le groupe polonais a dû attendre la sortie de son dixième album, The Satanist, en 2014, pour être considéré comme un incontournable du genre, à l’origine d’une musique aussi extrême que profonde, habitée par une véritable noirceur mélodique. Son successeur, I Loved You at Your Darkest (2018), présentait un Behemoth audacieux, désireux de marquer une rupture en rendant sa musique à la fois plus orchestrée et mieux produite, au risque de perdre une partie de son ADN en route et de se couper d’une partie de sa fan base, accusant le combo de trahison. On ne peut pas plaire à tout le monde… Malgré ses envies de grandiloquence, le gang emmené par le chanteur-guitariste Nergal semblait ne pas avoir réussi à tout dire sur ce disque.

Opvs Contra Natvram partage avec son prédécesseur cette passion pour la démesure mais semble cette fois pousser le curseur pour atteindre le but que s’était fixé le leader quatre ans auparavant. En matière d’orchestration et de mise en place, cet album impose un son aux petits oignons et une production puissante qui rendent les chansons de Behemoth plus accessibles, quitte à parfois diluer un peu trop leur propos au sein d’arrangements symphoniques quelque peu envahissants. Un constat qui n’empêche guère d’apprécier l’incroyable travail de composition réalisé sur des morceaux comme l’imposant The Deathless Sun et ses impressionnantes incursions de guitare virevoltante ou le brutal Neo-Spartacvs qui évoque le meilleur du black death pondu jusqu’à présent par le groupe. Même constat avec l’excellent Once Upon a Pale Horse qui prouve qu’on peut naturellement faire rimer black metal avec groove au cœur d’une même chanson.

Le chemin balisé avec I Loved You at Your Darkest est tracé de manière claire sur Opvs Contra Natvram, n’en déplaise à ceux qui préféraient le côté plus rugueux des premiers albums. Il y a fort peu de chances que le groupe fasse machine arrière après un tel travail. Mais cette évolution, à la limite de la remise en question, prouve combien il est important de bousculer ses habitudes quand on veut faire bouger les choses et éviter le surplace. Un choix qui fait de Behemoth un véritable leader dans le milieu de black death. Ça valait la peine de prendre le risque. © Chief Brody/Qobuz