Let It Reign

Chronique

En tant que complice de Pete Doherty et moitié du tandem à la tête de The Libertines, Carl Barât a déjà sa place dans la lignée des auteurs-compositeurs notables du rock britannique, aux côtés de confrères comme Miles Kane ou Alex Turner. Auteur d'un premier album bien reçu et s'éloignant des canons du rock indépendant par ses influences variées et des compositions plus tendres et lyriques qu'attendues, c'est avec un nouveau groupe baptisé The Jackals que Carl Barât revient cinq ans plus tard, entre deux réunions et la reformation prévue de The Libertines.

À l'opposé de son prédécesseur, Let It Reign libère la facette la plus farouchement rock de Carl Barât, ici épaulé par une escouade de fines lames ayant pour noms Billy Tessio (guitare), Adam Claxton (basse) et Jay Bone (batterie). Converti au gros son d'un mur de guitares validé par la production hardcore de Joby J. Ford (The Bronx), en cela disciple de Rick Rubin, le jackal (« chacal ») en chef déploie en dix exercices calibrés et sans fioritures une rage contenue depuis trop longtemps.

La sélection appâtée par les deux simples « Glory Days » (coécrit avec Benjamin Biolay) et « A Storm Is Coming », en parfaite définition de dix titres calibrés et de trente-cinq minutes de bruit, de sueur et de guitares ferrugineuses enchevêtrées, laisse peu de place à la romance du précédent et à l'exploration musicale, si ce n'est à travers les bongos du premier morceau précité ou le solo de cornet et les cuivres étouffés de « Victory Gin ». Néanmoins, cette décharge électrique quasiment continue - à peine interrompue par la ballade « Beginning to See » - a le mérite de recadrer la personnalité du rocker aux tendances délinquantes dans ce qu'elle a de plus bouillonnant, voire belliqueux dans « Summer in the Trenches », « March of the Idle » et « War of the Roses ».

La cause rock défendue comme une bataille de tranchées ou une chasse en meute, tel est le credo de Carl Barât, du groupe levé pour l'occasion, et des invités conviés (Johnny Marr, Andy Burrows, Ed Harcourt) à ce qui s'apparente comme un avertissement à la prochaine attaque de The Libertines, qui ne saurait tarder.

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