Léo Ferré chante Aragon

Chronique

Aux alentours de 1961, Louis Aragon fut très fier de cela, comme la perspective inversée d’un poète célèbre célébré, finalement ravi d’être exposé aux feux de la renommée par un chanteur populaire. Mais, comme toujours, la réussite de cet album sanctionne une rencontre, entre des vers libres (même si ce sont des alexandrins) et un souffle régénérateur. De ces dix chansons, on extrait, en toute mauvaise foi (après tout, Léo Ferré en était le spécialiste), trois chefs d’œuvre et une polémique : Jean Ferrat, à qui personne n’avait rien demandé, répondra par la négative à « Je chante pour passer le temps » (« Je ne chante pas pour passer le temps »), démontrant un aveuglement coupable face à ce chant du désespoir.



 



Mais surtout, il y a « L’Affiche rouge » (comme un pic de la poésie révisionniste, mais, ici, dans le sens moral – et digne – du terme), un sensuel « L’Etrangère » (pour rappeler que l’autre peut être séduction, comme une ivresse parfumée et exotique) et le définitif « Est-ce ainsi que les hommes vivent » : quarante années plus tard, la même charge émotionnelle, existentialiste si l’on veut (chacun est maître de son destin, mais quand même…) perdure, finalement très emblématique de ce qu’il convient de ne pas faire. On peut évaluer que Léo Ferré Chante Aragon ne pouvait fonctionner que grâce à la rencontre de deux poètes. Comme quoi, parfois, les choses sont bien faites.



 





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