Leclair: Concerti per violino

Chronique

Difficile de ne pas être fasciné par la vie et la musique de Jean-Marie Leclair (1697-1764), qui débuta comme danseur avant de devenir l’un des plus grands violonistes/compositeurs français, non seulement célèbre pour sa virtuosité époustouflante mais aussi pour la douceur exquise et le bon goût de son jeu – très documentée, la confrontation de 1739 à Amsterdam avec Locatelli fut déclarée nulle après que l’Italien eut joué comme un diable et Leclair comme un ange. Dans les années 1740, il abandonne l’archet pour une carrière infructueuse de compositeur d’opéra, suivie d’un déménagement dans l’un des quartiers les plus mal famés de Paris. Il sera finalement poignardé devant son domicile, un meurtre jamais élucidé.

 Pour ce programme enregistré avec chaleur dans la Martinskirche de Bâle, Leila Schayegh et La Cetra Barockorchester Basel ont choisi les quatrièmes et cinquièmes numéros de chacune des deux séries de concertos pour violon du maître. La première, Opus 7, date de la fameuse aventure amstellodamoise. La seconde, Opus 10, du début des années 1740.

Il faut d’abord souligner le choix des instruments d’époque. La Cetra Barockorchester Basel utilise des archets baroques plus légers avec des hausses coincées plutôt que vissées, ainsi que des cordes en boyau – bien que le boyau à fil d’argent soit apparu vers 1700, son coût aurait été prohibitif pour la plupart des musiciens des années 1740. Elles sont de plus accordées à 408 Hz, c’est-à-dire encore plus bas que la norme baroque de 415 Hz. L’objectif est ici de refléter la variété des hauteurs de son dans la France de l’époque, accords qui pouvaient aller d’un niveau aussi bas que 390 Hz à un niveau supérieur au standard actuel de 440 Hz. Il s’agit également de créer une sonorité orchestrale plus sombre et un peu plus rugueuse sur laquelle Schayegh et Christoph Rudolf, avec leurs archets à vis, peuvent apporter un subtil contraste de couleurs et de timbres. Promesses tenues, puisque l’image de l’ensemble s’avère d’une noirceur douce et veloutée tout en étant incroyablement légère, alors que les virtuoses possèdent un son particulièrement doux et brillant. 

La conscience palpable qu’ont les musiciens du passé de danseur de Leclair et de son élégance en général ajoute au plaisir de l’auditeur. Les rythmes sont vifs et élastiques, l’articulation d’une netteté sans faille, et puisque le compositeur était connu pour ne pas aimer la vélocité, les tempos sont tous d’une majesté qui lui correspond, comme en témoigne la grâce de l’Allegro final de l’Opus 10 n° 5 en mi mineur. « Grâce » est également le mot qui convient pour décrire les solos. Il suffit d’écouter la voix douce, le lyrisme naturel et le legato avec lequel Schayegh relève la succession de défis virtuoses que lui lance la section en mode majeur de l’Allegro assai conclusif de l’Opus 7 n° 5, ou, pour revenir à l’Opus 10 n° 5, les bariolages et doubles cordes sans fin de l’Allegro ma poco initial. La plus grande réussite, cependant, réside peut-être dans le fait que toutes ces délices soigneusement articulées sonnent sans jamais paraître fades ou froidement académiques. Au contraire, tout déborde de vie, de couleur et de joie. © Charlotte Gardner/Qobuz