La Línea del Sur

Chronique

Le Sud, on n’y parvient jamais, ne faisant que s’en approcher, frôler la lumière blanche des murs, et les rides des vieux assoupis sur un banc. De Paris l’hospitalière à la Catalogne originelle, le contrebassiste à cinq cordes (pour un instrument qui n’en compte usuellement que quatre), Renaud García-Fons (pas encore quinquagénaire, mais manifestement parvenu à une totale maturité de son jeu), a retrouvé ce Sud, puis s’y est perdu avec délices, amoureux de flamenco, puis passeport de musicien en poche, compagnon en musique de l’Algérien Cheb Mami, la Malienne Soriba Koyaté, ou la Grecque Angélique Ionatos.

Des chemins que l’on peut considérer de traverse, à la suite d’un parcours beaucoup plus balisé de musicien de jazz, au sein de l’Orchestre National de Jazz, ou aux côtés de Didier Lockwood, et Michel Portal. Aujourd’hui, après un détour en Pays de Savoie pour convaincre l’accordéoniste David Venitucci, puis une halte dans le quartier gitan de Toulouse, où l’attendaient le guitariste Antonio « Kiko » Ruiz et le percussionniste Pascal Rollando (tous deux anciens élèves du guitariste flamenco Bernardo Sandoval), le quartette fraîchement constitué s’invente in petto un langage d’harmonies et de triples croches, puisant dans les traditions musicales du bassin méditerranéen (et, en large détour, en direction de l’Orient hypnotique, ou vers la pulsation du jazz américain), avec l’aplomb d’enfants gourmands.

On n’a jamais entendu une contrebasse virtuose comme ici, claquante ou ronde, tellurique à force de gravité ou atteignant des aigus insoupçonnés, et les trois autres pupitres ne sont jamais très loin derrière, en matière de richesse de l’inventivité. A trois reprises, les quatre hommes en noir invitent Esperanza Fernández, nouvelle petite merveille du canto flamenco, belle et hautaine comme on peut l’être dans le quartier de Triana, lorsqu’on tient l’univers dans sa voix. De quoi susciter d’autres envies, d’autres rencontres amoureuses et musicales, le long de cette méridienne sudiste où Renaud García-Fons se sent partout chez lui. Et nous avec.



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