Huitième art

Chronique

Que les choses soient claires : Sinik ne fait pas son retour. D’ailleurs, il n’a jamais quitté le rap français depuis quinze ans. A intervalle régulier, il a sorti sept albums, parfois dans l’indifférence, mais toujours avec la même ligne directrice : l’authenticité. Alors, pour ce huitième album, logiquement intitulé Huitième art, Sinik reste fidèle à lui-même. Son rap est foncièrement ancré dans l’actualité, non pas dans la pop culture comme nombre de ses jeunes confrères, mais dans les noms d’Eric Zemmour, Marine Le Pen, Mennel, Charlie Hebdo, disséminés au fil de morceaux tels que Douce France ou Les Compteurs… On y croise des références à la Covid-19, aux violences policières, tout ce qui révolte Sinik, ce qui l’accable visiblement, et qu’il a le besoin viscéral de recracher dans sa musique. C’est comme ça qu’il a toujours abordé son art. Il est aussi dans une tradition musicale où les instrus très mélodiques sont légion. Le seul morceau trap qui ait sa place ici est Molière. Et c’est une réussite. Car avec son flow reconnaissable entre mille, Sinik peut parfois tomber dans une forme de monotonie, finalement balayée par quelques coups d’essais et originalités bienvenus. Tradition aussi dans les thèmes, notamment avec Séniorita : une lettre d’amour à sa fille, format bien connu du rap français des années 2000, ici parfaitement maîtrisé. Tout est fait pour montrer que Sinik est vrai, que si le rap est à la fête aujourd’hui, c’est grâce à des artistes tels que lui. Il a raison, et pour cela, Huitième art sonne comme un rappel à l’ordre salutaire. © Brice Miclet/Qobuz