Czerny & Bruch: Works for Piano Duo

Chronique

Hélas pour lui – et même pour la postérité – Carl Czerny laissa surtout dans la mémoire collective la trace d’un pédagogue, auteur de méthodes destinées à martyriser les doigts des pauvres pianistes en herbe, École de la virtuosité, L’Art de délier les doigts et autres instrument de maltraitance. Et pourtant il nous a laissé également vingt-quatre messes, quatre Requiems, trois centaines de graduels et d’offertoires, six symphonies, de la musique de chambre en quantité, une vingtaine de quatuors à cordes, des œuvres pour piano solo (on s’en doute !), et des concertos en quantité. Dont ce superbe Concerto pour piano à quatre mains des années 1825-30, avec lequel Czerny semble établir un pont entre Beethoven et Chopin – le nocturne faisant office de second mouvement préfigure les élégantes circonvolutions du jeune compositeur Polonais, le troisième mouvement « alla polacca » ses emprunts aux idiomes nationaux, tandis que le premier mouvement garde la rigueur classique de Ludwig van.

Max Bruch lui aussi a connu une espèce de sort analogue : on ne le connaît pratiquement pour un seul de ses ouvrages, le Premier Concerto pour violon, alors qu’il est à la tête d’un gigantesque répertoire de symphonies, d’oratorios, de musique de chambre, et de concertos en tout genre dont celui-ci pour deux pianos écrit en 1912 dans la rare tonalité de la bémol mineur. Certes, rétorqueront certains esprits chagrins, le monde allait alors être secoué par Le Sacre du printemps, l’avait déjà été par Pelléas et Mélisande ou le Prélude à l’après-midi d’un faune, alors que diable Bruch écrit là un concerto dans un style post-mendelssohnien. Mesdames et messieurs, c’était là son choix et son droit, qu’il a pleinement exercé et avec ô combien de talent. © SM/Qobuz