Protégé de John Coltrane, le grand saxophoniste ténor, acteur phare de la scène free, s'est éteint à l'âge de 81 ans...

Pharoah était un cri. Un ouragan certes, mais un cri avant toute chose. Que su capter un certain John Coltrane aux côtés duquel le saxophoniste qui s'est éteint, le 23 septembre 2022 à Los Angeles, officia de septembre 1965 jusqu'à sa mort, deux ans plus tard. Le jazz se conjugue alors à l'envers et les aiguilles des sismographes du free sont en pleine épilepsie. Dès 1964, Sanders enregistre dans son coin avant même que son maître ne l'intègre régulièrement dans les derniers enregistrements de sa vie. Ses enregistrements les plus agités. Les plus controversés. Les plus habités. Les plus beaux peut-être que John Coltrane lèguera. La faute à Pharoah ?

Pharoah Sanders (Live Video - 1968)

Bob Hardy

Le cri Pharoah, ce sont ces points d'exclamation uniques. Des riffs hirsutes balisant un flot toujours empreint d'une méditation à toute épreuve. Même quand ce cri se fait chuchotement, il demeure puissant et spirituel à la fois… Pour Coltrane, ce ténor était rare et nécessaire. « Pharoah est un homme à la spiritualité infinie, cherchant sans cesse à atteindre la vérité. J'aime tant la puissance de son jeu. C'est un grand innovateur, et c'est un plaisir et un privilège qu'il accepte de m'aider et d'être membre du groupe. Il a la volonté et l'esprit, deux qualités que j'aime le plus chez les gens. »

Pharoah Sanders Quartet - The Creator Has a Master Plan

MrCrescent

À la mort de John Coltrane, Pharoah Sanders reste près d'Alice Coltrane, la veuve mythique et mystique, pianiste et harpiste. Avec elle ou sans, lors de ses enregistrements solos, la sémantique de son ténor est un long fil entre ciel et terre, transe avant-gardiste et tsunami lyrique. Sanders maintient cette tradition de l'égarement, de la réflexion intérieure. Et ce souffle de la révolte dure, dure, dure. Et garde sa fraîcheur. Il n'hésite pas à l'enrichir de sons et d'instruments d'Afrique, d'Asie et d’Orient. On ne parle alors pas encore de world music mais sa musique est bien une musique du monde. Des mondes même. Certains de ses albums resteront comme de superbes témoignages de cette vision à l'image de Thembi, Black Unity, Tauhib ou bien encore Karma.

Pharoah Sanders at the Great American Music Hall in SF CA 1985 (complete)

Fearless Pharoah & Friends

Jusqu’à la fin de sa vie, Pharoah Sanders ne s'est pas vraiment assagi. La New Thing semble bien loin… Pourtant le ton était toujours libertaire. Et la tornade alternait furie et délicatesse. Le maître, c'était lui désormais car comme aimait à le répéter une autre épée du free, Albert Ayler, « Coltrane était le père, Pharoah le fils ». Ce fils, la jeune génération le découvrit en 2021 avec l’album Promises que Pharoah avait mis en boite avec le producteur électro Sam Shepherd alias Floating Points et les cordes du LSO (London Symphony Orchestra). Un dernier opus magique et mystérieux et surtout hors des clous comme Sa carrière...

ÉCOUTEZ NOTRE PLAYLIST PHAROAH SANDERS

ÉCOUTEZ PHAROAH SANDERS SUR QOBUZ