Un album et une tournée : la Québécoise Térez Montcalm rend hommage à la grande chanteuse Shirley Horn disparue en 2005.

A l’occasion de la sortie de son bel album hommage à Shirley Horn, Térez Montcalm est en concert parisien à la Cigale le 28 novembre. La Québécoise se produira également en novembre le 9 à Ibos, le 10 à St Raphael, le 16 à Angers, le 24 à Vendenheim et le 29 au Vésinet. Elle entamera une seconde partie de tournée à compter du 24 janvier dans le reste de la France.

Ce n’est jamais par hasard qu’une chanteuse enregistre un album en hommage à une autre chanteuse. Mais ce n’est jamais, non plus, sans un certain nombre d’hésitations. Si Térez Montcalm s’est lancée dans Here’s To You – Songs For Shirley Horn, c’est évidemment parce qu’il s’agit, dit-elle, de sa « chanteuse préférée depuis toujours ». Et, tout aussi évidemment, « ce n’est pas simple de lui rendre hommage, tant elle est seule à pouvoir faire ce qu’elle fait. »

Et il est vrai qu’au panthéon des chanteuses de jazz, Horn tient une place singulière. Elle n’a jamais prétendu aux premiers prix de voltige, pas plus qu’aux photos chocs du malheur transformé en chansons. Mais y a-t-il une chanteuse qui ait eu une telle influence et une telle popularité avec une tessiture de seulement deux octaves ? Pianiste virtuose, accompagnatrice hors pair (et d’elle-même !, ce qui est d’autant plus époustouflant), dotée d’un flair extraordinaire pour choisir son répertoire, Shirley Horn fascinait ses pairs de multiples manières.

C’est son art de la ballade qui passionne le plus Térez Montcalm : « Elle seule était capable de faire une ballade d’une telle lenteur, de lui donner un tempo si laid back, de ralentir le swing de cette manière. »

Un vrai défi pour la Québécoise, dont les deux premiers albums (Voodoo en 2007 et Connection en 2009) ont enthousiasmé public et critique pour une énergie héritée de sa culture tout aussi jazz que rock et funk. Ainsi, la chaleur de son timbre cuivré se trouve des profondeurs neuves dans des ballades d’une troublante limpidité – One At A Time sur une mélodie de Michel Legrand, Isn’t It A Pity des frères Gershwin, A Song For You de Leon Russel, How Am I To Know, fameuse adaptation d’un poème de Dorothy Parker chantée par Frank Sinatra ou Billie Holiday avant Shirley Horn. Comme pour avertir l’interprète, les paroles de Nice’n’Easy disent « To rush would be a crime »…

Il ne s’est pas agi d’aller au plus facile ou de recopier le best of. Lente sélection des titres avec le producteur Jean-Philippe Allard, qui connaissait bien Shirley Horn, puisqu’il a produit ses albums Lovin’ You et Jazz ‘Round Midnight. Puis Térez Montcalm a pratiqué un des usages les plus spectaculaires du jazz : « Nous avons enregistré en trois jours, ce que je n’avais jamais fait jusqu’à présent. Pour mes précédents albums, je connaissais mes musiciens depuis longtemps et nous préparions tout à l’avance. Là, j’ai rencontré la plupart des musiciens le premier jour au studio. »

Mais quel casting ! D’abord, Steve Williams, qui fut pendant vingt-sept ans le batteur de Shirley Horn. Il apporte sa connaissance experte du répertoire, une compréhension intime de chaque titre… et beaucoup de conversations avec Térez Montcalm. « C’était très important qu’il me raconte beaucoup d’histoires sur Shirley Horn. Je ne connaissais pas Shirley personnellement : je l’ai vue deux fois en spectacle mais ne l’ai jamais rencontrée. Steve Williams a apporté son spirit au projet. »

Aux arrangements et au piano, Gil Golstein, et Rufus Reid à la contrebasse, Ernie Watts au saxophone, Roy Hargrove à la trompette, Jay Newland et Jean-Philippe Allard à la production, dans un petit studio à l’écart de tout, dans le Connecticut. « Tout était en place pour que ça fonctionne à merveille », résume Térez Montcalm, qui va aussi tenir la guitare sur quelques chansons.

Elle travaille chaque chanson avec Gil Goldstein. « Nous la jouions une fois, tous les deux, pendant que les autres prenaient quelques notes sur leurs partitions. Et nous enregistrions tous ensemble. Trois prises au maximum, avec beaucoup de chansons bonnes dès la première prise. Pendant les trois jours de studio, quelque chose est survenu – une alchimie. » Et Montcalm a osé un Just In Time à la ferveur volontiers enflammée, ou une version bilingue de L’Hymne à l’amour. « Shirley Horn le chantait d’un bout à l’autre en anglais, ainsi que je l’avais entendu au Village Vanguard il y a des années. J’aime la façon dont elle commençait la chanson, mais je suis francophone et j’ai aussi beaucoup d’admiration pour Piaf. Alors il fallait que je la finisse en français. » Elle commence donc la mélodie sublime de Marguerite Monnot par le texte de Geoffrey Parsons, If You Love Me, pour revenir au texte écrit par Édith Piaf. Mais jamais on n’a entendu une interprète de langue française parvenir à autant d’émotion sans suivre la Môme dans le pathétique outré. Ce n’est pas par la rugosité des mots mais par le velours de la voix qu’elle fait surgir à la fois la passion amoureuse et le drame, l’ivresse d’aimer et le fatum tragique. Comme si, sans jamais se départir de sa faconde, de sa sensualité ou de sa gouaille, Térez Montcalm avait percé tous les secrets de classe, d’élégance et de précision de Shirley Horn – à la fois la dureté de l’encre de Chine et toutes les nuances de l’aquarelle.

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Le MySpace de Térez Montcalm

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