Label emblématique de la scène électronique française, Ed Banger, mené d’une main de velours par Pedro Winter, a célébré ses 20 ans en 2023. L’occasion de revenir sur la discographie d’un label qui, s’il a longtemps été à la mode, est aussi passé maître dans l’art du contre-pied.

Plus d’un million de disques écoulés en vingt ans. C’est l’estimation à la louche de Pedro Winter, le fondateur d’Ed Banger. Alors d’accord, la moitié de ce chiffre provient de Justice (qui a vendu quelque 500 000 exemplaires de son premier album Cross) mais combien de labels indépendants peuvent en dire autant ? En 2003, quand il décidait de laisser Daft Punk, dont il était le manager, gérer sa propre destinée pour lancer un label, Pedro Winter n’en espérait sans doute pas tant. Quinze ans après, Ed Banger est devenu une marque de référence sans s’enfoncer dans une niche, se diversifiant entre l’électro bruitiste de Justice et Mr Oizo, la pop rappée d’Uffie, le disco de Breakbot ou le groupe afro-funk-punk 10LEC6. “On a réussi à brander Ed Banger, qui est devenue une marque aussi forte parfois que certains artistes, confirme Pedro Winter. Mon gros défi, c’était d’établir une relation de confiance, de dire à nos fans : faites-nous confiance, on va vous proposer un long voyage de quinze ans, si vous aimez Justice tant mieux, mais en même temps, vous allez découvrir Feadz, Mickey Moonlight, Mr Flash, Boston Bun, Borussia… Ce sont les montagnes russes au niveau des styles, mais j’ai toujours prêché l’ouverture musicale, comme le label britannique Mo’Wax qui sortait du hip-hop, du trip hop, du rock…”

Cette diversité apparaît dès le premier disque du label en mars 2003, Radar Rider de Mr Flash pour un instrumental de rock parsemé d’effets électro, flanqué d’une face B lo-fi composée par Philippe Zdar sous l’alias A Bass Day (F.I.S.T.). Trois mois plus tard sortait le fameux We Are Your Friends, de Justice, remix du Never Be Alone de Simian, signé par Pedro Winter après une raclette chez Gaspard Augé, la moitié du duo. Si les premières années sont dominées par la hype autour de Justice (qui sortira son premier album en 2007), Ed Banger reçoit aussi des lauriers avec la sortie de Lucky Boy, le premier album de DJ Mehdi, membre clé de l’équipe, en 2006, sur lequel il mêle hip-hop et house avec une dextérité et une finesse rarement vue. Producteur du groupe hip-hop Ideal J, mené par Kery James, dès 1992 (mais aussi pour Booba, IAM ou MC Solaar), Mehdi symbolise ce hub intergenre qu’est devenu Ed Banger, composant pour le rappeur électro de Baltimore Spank Rock, associé aux platines avec le versatile DJ canadien A-Trak ou dans le groupe Carte Blanche aux côtés du producteur britannique Riton, échappé du label de Manchester Grand Central Records.

La réputation du label devient internationale, grâce notamment à la direction artistique de So-Me, qui impose sa patte sur les pochettes, les t-shirts et les clips. “C’était le milieu des années 2000, le graphisme était super léché et digital, et nous sommes arrivés avec des dessins faits à la main”, se souvient So-Me, qui sera primé pour le clip de We Are Your Friends en 2006 aux MTV Music Awards. Kanye West, défait, montera sur scène pour protester (il fera pareil dix ans plus tard avec Taylor Swift), avant, un an plus tard, d’embaucher So-Me pour la vidéo de son Good Life featuring T-Pain

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