Du 6 août au 25 septembre, le festival Classique au Vert s’installe au Parc Floral de Paris. Son directeur artistique, Bernard Boland, présente cette édition 2011.

Grand rendez-vous musical de l'été parisien, le Classique au Vert séduit un public toujours plus nombreux, attiré par le cadre enchanteur du Parc Floral de Paris, près du Château de Vincennes, et la qualité et la diversité de la programmation. Son directeur artistique, Bernard Boland, évoque la cuvée 2011 qui se tiendra du 6 août au 25 septembre.

Pourquoi avoir choisi les Amériques comme fil conducteur de l’édition 2011 ?

Bernard Boland : Il n’y a pas de raisons « commémoratives » particulières (anniversaires ou autres actualités). Disons que je suis toujours en recherche de la plus grande extension possible du domaine de la musique « savante » en général, afin d’offrir le maximum de choix au public. La musique américaine a ceci de particulier qu’elle semble un peu décalée, « exotique » par rapport à la musique classique, romantique et postromantique qui forme l’essentiel de la programmation des salles de concerts et festivals. C’est une musique qui présente une grande proximité avec la culture populaire (le jazz, le « musical », le tango, etc.) et qui, en même temps, a inventé, avec le courant dit « minimaliste », une « avant-garde » très différente de l’européenne, tout aussi « radicale » en un sens, mais sans doute bien plus accessible. L’idée de consacrer une grande partie des seize concerts du festival à cet « ovni » de la musique occidentale m’a semblé un beau pari à tenir. Cela dit, les relations très fortes de cette musique avec l’Europe font également partie du thème du festival. On y entendra beaucoup de Dvorak par exemple (dont l’incontournable –et non moins géniale Symphonie du Nouveau Monde). Il y a aussi un concert en hommage à Nadia Boulanger, plutôt consacré aux affinités « européennes » (Fauré, Mozart, Stravinski…) de la grande pédagogue qui forma tant de compositeurs américains. Au-delà, on pourra retrouver dans la programmation de très nombreux « ponts » entre les deux rives de l’Atlantique.

Quels seront les temps forts de cette année ?

Bernard Boland : Il est toujours très difficile de répondre à cette question. Pour moi, chaque concert est un immense événement… Malgré tout, je voudrais remercier spécialement Anne Azéma et la Boston Camerata d’avoir répondu favorablement à notre invitation. Je suis vraiment heureux de faire découvrir à notre public ce double programme consacré aux musiques des premiers âges de l’indépendance américaine. C’est sans nul doute le seul ensemble au monde à pouvoir restituer cette passionnante époque (l’âge « baroque » américain en quelque sorte,) avec ces qualités d’authenticité, de convivialité et d’autorité qui sont les siennes. D’autant que, c’est une nouvelle toute récente, nous aurons aussi la chance d’accueillir Joel Cohen, le chef « historique » de la Boston Camerata, qui dirigera le second concert. Enfin, toujours dans cette perspective de « découverte », à laquelle je tiens beaucoup, je pourrais encore citer le Cabaret imaginaire d’Oscar Strasnoy un portrait en musique, théâtre et chansons, que j’espère bigarré à souhaits, du compositeur franco-argentin. Il y a encore ce concert qui est un peu en mémoire du compositeur français récemment disparu Aubert Lemeland, grand « supporter » de la musique américaine, et où l’on pourra notamment entendre la magnifique et totalement méconnue Sérénade-Symphonie de Korngold. Mais, je le répète, autant par la qualité des interprètes que par l’intérêt des programmes, j’attends de chaque concert une chose unique qui transporte et fasse rêver le public du festival.

Comment la singularité du cadre idyllique du Parc Floral joue-t-elle sur la programmation que vous avez construite ?

Bernard Boland : « Singularité » est le bon mot. Les concerts en plein-air existent un peu partout mais on ne trouvera guère ailleurs, à ma connaissance, cette conjonction d’un environnement floral et arboricole splendide avec de telles conditions de confort pour le public. Je rappelle que nous bénéficions d’une sonorisation « pointue », parfaitement adaptée à l’écoute de la musique classique et d’une « salle » de 1500 places assises, dont la couverture protège les spectateurs autant de la pluie que de l’exposition, qui peut être parfois pénible, au soleil. Pour répondre plus précisément à votre question, il est indéniable que cette impression d’ouverture visuelle (les grands arbres derrière la scène, la vallée des fleurs offerte à la vue des artistes), qui constitue l’enchantement particulier du lieu, entre bien en résonnance avec ces musiques des « grands espaces américains »… Je pense à la Symphonie du Nouveau Monde, bien sûr, mais aussi à des œuvres de Charles Ives ou Copland qui sont programmées cette saison. En même temps, si certaines musiques se prêtent idéalement au lieu, l’expérience a prouvé que tous les genres, formations, styles ou époques (du récital à l’orchestre symphonique, du baroque au contemporain, du lyrique aux concerts « théâtralisés » etc.….) « passaient » merveilleusement bien sur la scène du Delta.

Etoffer les concerts par des animations (master-classes, ballades, etc.) est-il un moyen pour Classique au Vert de faire de la pédagogie ?

Bernard Boland : La « pédagogie », au sens large et noble du mot, est une de mes obsessions. Au départ, je dirais qu’un concert réussi, quand il y a eu un vrai partage entre les artistes et le public, est en soi un acte pédagogique d’une valeur inestimable. Il est vrai que nous faisons tout pour favoriser les éclairages sur les œuvres et leurs interprètes. En amont, il y a ces programmes détaillés (notamment, en reproduisant, dans le cas de la musique vocale les textes et leur traduction, ce qui est très apprécié du public). Et aussi des conférences : cette année sur Nadia Boulanger, Dvorak « l’Américain » et la musique de film « hollywoodienne ». Les aubades musicales, dont notre public est très friand , peuvent être une occasion de faire découvrir, en liaison avec le thème, des œuvres plus rares, moins connues du grand public, chose que favorise le cadre verdoyant et plus intime dans lesquelles ces aubades sont généralement données. Ce qui ne signifie pas que la composante de « divertissement », tant dans les concerts que dans les animations, soit moins importante. On pourra aisément le constater en parcourant l’ensemble de la programmation. En fait, mon souhait serait que le public puisse se « divertir » à l’écoute d’œuvres réputées « pointues » et qu’il apprenne aussi des choses des musiques réputées faciles et populaires. Toujours en amont, et en dehors même des animations musicales, nous avons organisé depuis l’année dernière des randonnées (certaines avec des pauses musicales, d’ailleurs) ou des forestiers compétents informent le public sur les différentes plantations du Parc Floral, l’historique du bois de Vincennes etc. Ces randonnées, qui rencontrent beaucoup de succès, font également partie, si vous voulez, d’un « projet pédagogique » complet du festival, la connaissance du lieu où se déroulent les concerts renforçant celle de la musique proprement dite… Enfin, et cette fois, en aval des concerts, nous prévoyons toujours une rencontre avec les artistes. C’est l’occasion pour le public de leur poser toutes les questions possibles. Mais c’est surtout l’occasion d’un beau moment d’échange, convivial, décontracté, parfois émouvant, très éloigné de toute mondanité. Ces rencontres « après-concert » contribuent fortement, par leur ambiance assez unique, à l’identité particulière du festival. Inutile de vous dire que notre public y tient beaucoup !

Comment voyez-vous l’évolution de Classique au Vert au fil des éditions ?

Bernard Boland : Une grande partie du « concept » de Classique au Vert existait déjà quand nous sommes arrivés en 2006 : la magie du lieu, la gratuité, l’ambiance conviviale….Nous avons très vite entrepris de développer cet atout premier dans le sens d’une proximité toujours plus grande avec le public : nous sommes très attentifs à accueillir les avis, à « sentir » ce qui s’exprime, parfois au-delà des mots. D’une façon générale, il y a une forte demande de toujours plus de musique, mais aussi de « pédagogie » de discussions, d’échanges… C’est pourquoi, au fil des éditions, nous avons cherché à développer les animations, les master-class, les randonnées… Cela va d’ailleurs dans le sens de ce que souhaite notre tutelle, la Mairie de Paris. En ce qui concerne la programmation, je me suis vite aperçu que j’étais très libre dans mes choix. Tant du côté de la Mairie (là, dans la limite du budget alloué) que du public qui aime aussi, on l’oublie parfois, être surpris…l’accueil très positif qui a été réservé à certains programmes, considérés a priori comme « difficiles », m’encourage à continuer dans la voie du renouvellement et de l’imagination… Sans jamais oublier qu’il faut avant tout distraire et faire rêver. Un beau défi à relever.

Le programme de Classique au Vert