L'intégrale des Symphonies de Beethoven ce n'est plus un marronnier, mais de la pluie, que dis-je de l'avalanche en toute saison ! Chaque chef-d'orchestre veut laisser sa trace sur ce monument, comme le commun des mortels aime se faire photographier devant le Parthénon ou le Colisée. Et le pouvoir de séduction de ces neuf sœurs toutes différentes, bien qu'ayant indéniablement un air de famille, n'est pas près de s'éteindre. C'est la force du génie que de continuer ainsi à nous parler et à nous émouvoir après bientôt deux cents ans. L'enjeu est de taille, car la puissance de cette musique exceptionnelle, sa force vitale, son message universel sont autant de paris pour un interprète, sans compter la quantité de témoignages enregistrés et disponibles depuis le premier enregistrement intégral d'une symphonie de Beethoven, la Cinquième, voilà presque un siècle, sous la baguette d'Arthur Nikisch à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Berlin, en novembre 1913.

Choisir ou conseiller une intégrale parmi cette jungle de nouveautés et de rééditions est un parcours du combattant semé d'embûches, car chacune et chacun d'entre nous a sans doute une interprétation idéale dans sa tête ou toute au moins une petite idée de ce qu'il cherche. Version historiquement renseignée ? Version classique ? Version sage ? Version folle ? Du moins bon au meilleur, cette rentrée d'automne propose un peu de tout. Voyons cela.

Mais qu'est-il donc arrivé à Franz Brüggen dans cette nouvelle intégrale enregistrée en concert à Rotterdam en 2011 ? Tout est lent, lourd, terne, sage, sans tenue, sans rebond, sans passion. La prise de son, confuse et imprécise, n'arrange rien à l'affaire A l'opposé voici une autre intégrale néerlandaise, celle de Jan Willem de Vriend avec l'Orchestre Symphonique Néerlandais. Et là tout s'éclaire. L'encre de ce Beethoven là n'a pas eu le temps de sécher. C'est hardi, violent, frémissant, tempétueux, avec des tempi nerveux et un orchestre aux mille couleurs. On pense au Départ dans l'affection et le bruit neufs d'Arthur Rimbaud. Une véritable révélation à découvrir sans tarder. A côté de ces deux extrêmes, on appréciera le nouvel enregistrement de Riccardo Chailly, une des bonnes surprises de la rentrée, avec le légendaire Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Son Beethoven est impatient, virtuose, souple, chantant, fortement charpenté mais un rien survolé. N'ayons garde d'oublier les deux intégrales classiques du grand Eugen Jochum disponibles sur Qobuz. On réécoutera avec plaisir la version hédoniste d'André Cluytens avec l'Orchestre Philharmonique de Berlin, enregistrée au début de la stéréophonie. Dans l'intégrale retrouvée d'Otto Klemperer on goûtera avec gourmandise aux sonorités du Philharmonia Orchestra, mais il faudra compter avec l'aspect monumental et figé du chef-d'orchestre. La nouvelle version de Daniel Barenboïm avec son West-Eastern Divan Orchestra n'apporte rien de nouveau sous le soleil, même si les qualités de cet immense musicien sont toujours là. Côté instruments d'époque, la version de Jos van Immerseel avec son Orchestre Anima Eterna ne manque ni de tonus ni de brutalité. Quelques chemins de traverse parmi les nouveautés et rééditions les plus récentes qui viennent s'ajouter aux autoroutes bien balisées, je veux parler des très nombreuses et incontournables versions que vous pouvez écouter et réécouter sur votre Qobuz.