Dans son nouvel album fleuve, l’artiste surprend encore en proposant un périple spirituel et ambitieux, dans lequel les fantômes du trip hop croisent une certaine Madonna.

Avec l’album PARANOÏA, ANGELS, TRUE LOVE, Christine And The Queens se lance dans un long voyage spirituel, avec Madonna en grande prêtresse. Les deux artistes se sont rencontrés en 2015 lors d’un concert de Madonna à l’Accor Arena, durant lequel cette dernière l’avait invité à monter sur scène pour quelques pas de danse. A cette occasion, il avait même eu droit à une tape sur les fesses de la part de l’interprète de Material Girl. Pour le présent album, Christine And The Queens a fait appel à Madonna non pas pour qu’elle chante, mais pour qu’elle parle. C’est l’actrice qui était sollicitée. Séduite par la folie du projet, l’Américaine a accepté de jouer le jeu sur trois chansons (Angels Crying in My Bed, I Met an Angel et Lick the Light Out). Christine And The Queens tenait à saluer cette voix iconique « qui parle avec toutes les facettes (inscrites) dans notre conscience, prenant des formes et des rôles multiples, de la figure maternelle à la dominatrice ».

Surnommée « Big Eye » par le chanteur de 35 ans, Madonna fait donc partie intégrante de la direction chamanique de l’album. Ce sont les grands yeux de la sagesse et de la lumière qu’il est allé chercher chez elle. Et c’est une autre lumière – plus rugueuse – que l’on trouve dans le timbre du second featuring de l’album : la chanteuse et rappeuse américaine 070 Shake, que l’on entend sur True Love et Let Me Touch You Once.

L’aspect spirituel de PARANOÏA, ANGELS, TRUE LOVE doit également beaucoup à la musique produite par Mike Dean (collaborateur de Jay-Z, The Weeknd et Beyoncé). Souvent enrobés d’une couleur trip hop reflétant les influences multiples de Christine And The Queens (soul, jazz, électro…), les morceaux font la part belle à des cordes spectralement aiguës et des solos de guitare électrique extatiques. On croise aussi une reprise mystique du célèbre Canon de Pachelbel qui, à défaut d’être un choix très original, a le mérite de s’intégrer intelligemment au propos général du disque (Full of Life).

Le présent album fait suite à un prologue sorti en 2022, Redcar, les adorables étoiles, qui faisait figure d’épopée postmoderne sur l’amour. Même si l’ambiance est ici moins belliqueuse que radieuse, on reste souvent dans cette même thématique, comme le prouve le seul morceau écrit en français, intitulé Aimer, puis vivre. Cette réflexion sur l’amour, Christine And The Queens nous en fait part en utilisant toutes les possibilités de sa voix, laquelle n’a jamais été aussi malaxée et réverbérée, afin d’en tirer le maximum de jouissance (A Day in the Water). PARANOÏA, ANGELS, TRUE LOVE peut être perçu comme un hommage à une pop anglophone très identifiée, mais cet objet résolument atypique possède aussi des airs de comédie musicale étrange qui n’appartient qu’à lui. Ce qui laisse augurer de grands moments sur scène.