Tout au long de l’année, le monde de la musique classique va célébrer l’un des meilleurs pianistes de son temps.

Dans la communauté des pianistes, 2023 marque un anniversaire important : celui des 150 ans de la naissance de Sergueï Rachmaninov. Né le 1er avril 1873, le compositeur, pianiste et chef d’orchestre russe naturalisé américain a mené en 70 années une vie aux chapitres multiples. Ses grandes mains le dotent d’une technique solide et virtuose qui transparaît dans ses compositions pour piano, lesquelles comptent parmi les plus difficiles du répertoire. Moins novateur que son contemporain et compatriote Scriabine, avec lequel il entretient sur les bancs du conservatoire de Moscou une amitié teintée de rivalité et d’admiration réciproque, il connaît plus de succès avec ses compositions ancrées dans la tradition romantique. Sa notoriété le pousse en tournée à l’international, notamment aux Etats-Unis où il s’installera définitivement après la révolution russe de 1917.

Sa réputation de concertiste légendaire lui impose un rythme de tournées soutenu qui ralentit sa production : la plupart de ses chefs-d’œuvre, comme le poème symphonique L’Ile des morts, le Concerto pour piano n°2 ou les Six Moments musicaux, ont été composés avant son départ de la Russie. Aux Etats-Unis, il fédère un public toujours plus nombreux et inspire de nouvelles générations d’artistes, parmi lesquels le pianiste de génie Vladimir Horowitz, qu’il rencontre en 1928 et avec lequel il développe une amitié jusqu’à la fin de sa vie. Les deux hommes ont en commun un talent visionnaire immense et le douloureux exil de l’empire russe.

Le tempérament austère et angoissé de Rachmaninov se manifeste dans un nombre conséquent de ses œuvres comme L’Ile des morts, la symphonie Les Carillons ou les Danses symphoniques, et sa foi orthodoxe lui inspire les magnifiques Vêpres et la Liturgie de saint Jean Chrysostome. Il laisse derrière lui un catalogue riche d’une centaine d’œuvres aux formats extrêmement diversifiés mais d’une grande cohérence. Chance ultime pour l’auditeur, on lui doit aussi plusieurs enregistrements discographiques de ses propres compositions, témoins inestimables de la puissance et de l’expressivité de son jeu.

Commémoration oblige, cette année verra se multiplier les sorties discographiques en hommage au maître russe. Voici déjà quelques recommandations. Pour commencer, citons la compilation Rachmaninov : The Last Romantic Hero récemment parue chez Warner, incluant des enregistrements par des interprètes de références (Hélène Grimaud, Nikolaï Lugansky, Martha Argerich). Autre sortie d’ampleur : l’enregistrement de la Symphonie n°2 par John Wilson à la tête du Sinfonia of London. Enfin, chez 1001 Notes début 2023, le pianiste Guilhem Fabre a anticipé le jubilé avec un fascinant album sous forme de regards croisés entre Bach et Rachmaninov. Une liberté de ton particulièrement élégante qui correspond bien au lyrisme impétueux du compositeur russe.