Automne 1895 : Claude Debussy a fini d’écrire “Pelléas et Mélisande”. Il reste maintenant à créer cet opéra révolutionnaire sur les planches. Mais lesquelles ? Ce seront finalement celles de l’Opéra-Comique. Mais entre reports, retards et leçons de piano – pour s’assurer un maigre revenu –, la transposition sur scène fut un long chemin de croix pour Debussy. Episode 2.

"...Fauré, le porte-musique d’un groupe de snobs et d’imbéciles..."

C’est alors le début d’un invraisemblable jeu du chat et de la souris entre les divers directeurs de salle, éditeurs, musiciens, sans parler de l’hostilité naissante – et bientôt implacable – de Maeterlinck. Au début, c’était l’idylle. Maeterlinck à Debussy le 17 octobre 1895 : « Quant à Pelléas, il va sans dire qu’il vous appartient entièrement et que vous le ferez jouer où et quand vous le voudrez. » De cette époque, soit dit en passant, date un certain malaise entre Debussy et Fauré ; une actrice anglaise désirait faire donner la pièce de Maeterlinck avec musique de scène, et avait proposé à Debussy de réaliser une adaptation d’après sa partition, une espèce de suite orchestrale. Refus offusqué de Monsieur Debussy, ce fut donc Fauré qui composa ladite musique de scène pour les représentations de 1898. Debussy furibond, d’une part qu’on ait osé lui demander de faire une décoction de son opéra, d’autre part de se voir doubler par Fauré, « le porte-musique d’un groupe de snobs et d’imbéciles qui n’auront jamais rien à voir ni à faire dans l’autre Pelléas » selon une fielleuse lettre d’août 1898 à l’éditeur Hartmann. Les relations entre les deux compositeurs devaient s’améliorer plus tard, quand Debussy aura récupéré l’ex-maîtresse de Fauré, Emma Bardac, le jeune loup devenu moins hargneux ayant mis un peu de vin dans son eau écarlate.

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