João Gilberto
Les fondateurs de la bossa-nova forment une sainte trinité. Il y a le compositeur carioca Antonio Carlos Jobim, tout autant épris de traditions brésiliennes que d’inventions européennes (Debussy, Ravel) ou américaines (le jazz). Il y a le poète et diplomate Vinicius de Moraes, bon vivant, vif et inventif qui fut complice de Jobim, puis de Baden Powell, de Toquinho et de Chico Buarque. Et il y a aussi João Gilberto. Son jeu de guitare démonte en douceur les mécanismes de la samba pour en faire autre chose qu’un simple accompagnement de la danse et son chant sensuel et intimiste tranche avec les expressions appuyées des virils chanteurs alors en vogue. Dans la musique brésilienne, il y eut un avant, mais après João Gilberto, plus rien ne fut exactement pareil.
Né en 1931 à Juaziero dans l’Etat de Bahia, dans le Nordeste, João Gilberto Prado Pereira de Oliveira obtient, à 14 ans, sa première guitare des mains de son grand-père. Dès lors, celle-ci est devenue le centre de sa vie. La chanteuse Miúcha, sœur de Chico Buarque, avec qui il vécut de 1965 à 1971, avoue qu’elle a souvent dû batailler afin que la guitare ne soit pas en permanence au centre du lit conjugal. Dans l’excellent livre Sarava ! de François-Xavier Freland et Olivier Mirguet, le chanteur Roberto Menescal raconte une anecdote qui démontre la face obsessionnelle de la personnalité de João Gilberto. Tardivement un soir, Menescal reçoit un appel de Gilberto qui lui demande de le dépanner d’une guitare, Menescal la lui apporte à domicile. Au bout de nombreux coups de sonnette, il entend, de l’intérieur de l’appartement, Gilberto lui demander de déposer l’instrument devant la porte, sans même le recevoir.
Bien avant ces incidents, João Gilberto dut faire ses preuves. Il s’est installé à Rio en 1950, suivant le quintet vocal Garotos da Lua dont il assure le chant lead. Ensuite, il jouait ici et là, pour quelques reals, tout en peaufinant son style encore et encore. Lorsqu’il rencontre Jobim, ce dernier est compositeur, arrangeur et producteur pour les disques Odeon. En 1958, il le fait travailler comme guitariste, pour l’enregistrement de l’album d’Elizete Cardoso Canção do Amor Demais, considéré comme la préhistoire de la Bossa. Genre qui explose l’année suivante avec la version de Chega de Saudade, chantée et jouée par Gilberto. C’est une révolution, nourrie de chansons immortelles (Desafinado, Insensatez ou Corcovado) qui électrisent le Brésil et bientôt les Américains. Lorsqu’en 1964, Stan Getz veut enregistrer Garota de Ipanema, Gilberto n’arrive pas à la chanter en anglais. C’est sa femme Astrud qui s’en charge et connaît une popularité internationale. Peu de temps après, lassée par les obsessions et les dépressions à répétition de son mari, elle le quitte pour le saxophoniste.
A cette époque, le chanteur guitariste vit à New York depuis deux ans et y reste jusqu’en 1969, date à laquelle il emménage à Mexico. En 1973 sort le sobrement intitulé João Gilberto, qui est considéré comme l’un de ses chefs-d’œuvre. Il y est accompagné du seul percussionniste Sonny Carr et enregistré par Wendy Carlos, pionnière de la musique électronique, autrefois prénommée Walter. Entre autres chansons l’album contient un classique de Jobim (Aguas de Marco), des chansons de ses fils spirituels Gilberto Gil (Eu Vim Da Bahia) et Caetano Veloso (Avarandado) et deux de ses propres compositions, le minimaliste et génial Undiú et Valsa (Como são Lindos os Youguis) (Bebel), hommage à la fille qu’il eut avec Miúcha. Celle-ci chante avec lui sur le morceau de fermeture Izaura et, en 1976, sur l’album des retrouvailles avec Stan Getz The Best of Two Worlds. L’année suivant,e João Gilberto enregistre le soyeux Amoroso, arrangé et orchestré par Claus Ogerman, un familier de Sinatra, Jobim ou Bill Evans.
En 1981, il partage le studio avec ses fans Gil, Veloso et sa sœur Maria Bethania pour Brasil. En 91, João, pour la première fois, ne comporte aucune composition de Jobim, on y trouve par contre des recréations de Veloso, Sampa, de Cole Porter, You do Something to Me et même de Trenet sur I Wish You Love (Que reste-t-il de nos amours). Gilberto donne des concerts qui sont souvent des occasions d’enregistrement live, mais régulièrement, quoique annoncé, il renonce à jouer, parce que l’acoustique de la salle ne lui convient pas, ou parce que la température n’est pas idéale pour l’accordage de sa guitare. Et lorsque le public n’est pas assez attentif, au bout d‘un morceau ou deux, il se retire, après lui avoir tiré la langue.
Dans ces conditions, aussi génial et respecté soit-il, il ne se fait pas que des amis et peine à poursuivre sa carrière. En 2000, Caetano Veloso vient à son secours et produit l’album Voz e Violã, qui lui apporte un Grammy Awards en 2001 et se clôt, comme sa carrière a commencé, sur Chega de Saudade. Depuis, il y a eu quelques concerts et des enregistrements de ceux-ci, mais aussi des rumeurs alarmantes sur sa santé physique, mentale et financière. Fin 2017, sa fille, la chanteuse Bebel, obtient sa tutelle provisoire et tente de remettre de l‘ordre dans ses affaires. Pas facile d’être un génie ! Il s'éteint le 6 juillet 2019. à 88 ans. © Qobuz
Les fondateurs de la bossa-nova forment une sainte trinité. Il y a le compositeur carioca Antonio Carlos Jobim, tout autant épris de traditions brésiliennes que d’inventions européennes (Debussy, Ravel) ou américaines (le jazz). Il y a le poète et diplomate Vinicius de Moraes, bon vivant, vif et inventif qui fut complice de Jobim, puis de Baden Powell, de Toquinho et de Chico Buarque. Et il y a aussi João Gilberto. Son jeu de guitare démonte en douceur les mécanismes de la samba pour en faire autre chose qu’un simple accompagnement de la danse et son chant sensuel et intimiste tranche avec les expressions appuyées des virils chanteurs alors en vogue. Dans la musique brésilienne, il y eut un avant, mais après João Gilberto, plus rien ne fut exactement pareil.
Né en 1931 à Juaziero dans l’Etat de Bahia, dans le Nordeste, João Gilberto Prado Pereira de Oliveira obtient, à 14 ans, sa première guitare des mains de son grand-père. Dès lors, celle-ci est devenue le centre de sa vie. La chanteuse Miúcha, sœur de Chico Buarque, avec qui il vécut de 1965 à 1971, avoue qu’elle a souvent dû batailler afin que la guitare ne soit pas en permanence au centre du lit conjugal. Dans l’excellent livre Sarava ! de François-Xavier Freland et Olivier Mirguet, le chanteur Roberto Menescal raconte une anecdote qui démontre la face obsessionnelle de la personnalité de João Gilberto. Tardivement un soir, Menescal reçoit un appel de Gilberto qui lui demande de le dépanner d’une guitare, Menescal la lui apporte à domicile. Au bout de nombreux coups de sonnette, il entend, de l’intérieur de l’appartement, Gilberto lui demander de déposer l’instrument devant la porte, sans même le recevoir.
Bien avant ces incidents, João Gilberto dut faire ses preuves. Il s’est installé à Rio en 1950, suivant le quintet vocal Garotos da Lua dont il assure le chant lead. Ensuite, il jouait ici et là, pour quelques reals, tout en peaufinant son style encore et encore. Lorsqu’il rencontre Jobim, ce dernier est compositeur, arrangeur et producteur pour les disques Odeon. En 1958, il le fait travailler comme guitariste, pour l’enregistrement de l’album d’Elizete Cardoso Canção do Amor Demais, considéré comme la préhistoire de la Bossa. Genre qui explose l’année suivante avec la version de Chega de Saudade, chantée et jouée par Gilberto. C’est une révolution, nourrie de chansons immortelles (Desafinado, Insensatez ou Corcovado) qui électrisent le Brésil et bientôt les Américains. Lorsqu’en 1964, Stan Getz veut enregistrer Garota de Ipanema, Gilberto n’arrive pas à la chanter en anglais. C’est sa femme Astrud qui s’en charge et connaît une popularité internationale. Peu de temps après, lassée par les obsessions et les dépressions à répétition de son mari, elle le quitte pour le saxophoniste.
A cette époque, le chanteur guitariste vit à New York depuis deux ans et y reste jusqu’en 1969, date à laquelle il emménage à Mexico. En 1973 sort le sobrement intitulé João Gilberto, qui est considéré comme l’un de ses chefs-d’œuvre. Il y est accompagné du seul percussionniste Sonny Carr et enregistré par Wendy Carlos, pionnière de la musique électronique, autrefois prénommée Walter. Entre autres chansons l’album contient un classique de Jobim (Aguas de Marco), des chansons de ses fils spirituels Gilberto Gil (Eu Vim Da Bahia) et Caetano Veloso (Avarandado) et deux de ses propres compositions, le minimaliste et génial Undiú et Valsa (Como são Lindos os Youguis) (Bebel), hommage à la fille qu’il eut avec Miúcha. Celle-ci chante avec lui sur le morceau de fermeture Izaura et, en 1976, sur l’album des retrouvailles avec Stan Getz The Best of Two Worlds. L’année suivant,e João Gilberto enregistre le soyeux Amoroso, arrangé et orchestré par Claus Ogerman, un familier de Sinatra, Jobim ou Bill Evans.
En 1981, il partage le studio avec ses fans Gil, Veloso et sa sœur Maria Bethania pour Brasil. En 91, João, pour la première fois, ne comporte aucune composition de Jobim, on y trouve par contre des recréations de Veloso, Sampa, de Cole Porter, You do Something to Me et même de Trenet sur I Wish You Love (Que reste-t-il de nos amours). Gilberto donne des concerts qui sont souvent des occasions d’enregistrement live, mais régulièrement, quoique annoncé, il renonce à jouer, parce que l’acoustique de la salle ne lui convient pas, ou parce que la température n’est pas idéale pour l’accordage de sa guitare. Et lorsque le public n’est pas assez attentif, au bout d‘un morceau ou deux, il se retire, après lui avoir tiré la langue.
Dans ces conditions, aussi génial et respecté soit-il, il ne se fait pas que des amis et peine à poursuivre sa carrière. En 2000, Caetano Veloso vient à son secours et produit l’album Voz e Violã, qui lui apporte un Grammy Awards en 2001 et se clôt, comme sa carrière a commencé, sur Chega de Saudade. Depuis, il y a eu quelques concerts et des enregistrements de ceux-ci, mais aussi des rumeurs alarmantes sur sa santé physique, mentale et financière. Fin 2017, sa fille, la chanteuse Bebel, obtient sa tutelle provisoire et tente de remettre de l‘ordre dans ses affaires. Pas facile d’être un génie ! Il s'éteint le 6 juillet 2019. à 88 ans. © Qobuz
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