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Evgueni Mravinski

Un géant. Le raccourci est sans doute éculé, mais il qualifie si bien cet immense chef. Souvent surnommé le « Furtwängler russe » par ceux qui s’adonnent au jeu des ressemblances, Evgueni Mravinski avait une attitude sculpturale, pour ne pas dire sépulcrale, au pupitre. Avec sa silhouette longiligne, son masque impénétrable et sa gestique sobre qui déclenchait pourtant des cataclysmes sonores, Mravinski avait tout du démiurge ou du prophète inaccessible et pourtant si sauvagement expressif.

Intransigeant, tyrannique, Mravinski ne laissait passer aucune scorie. Il a façonné pendant cinquante ans l’Orchestre Philharmonique de Leningrad (aujourd’hui Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg) à son image, obtenant d’infimes nuances depuis le pianissimo le plus ténu jusqu’au fortissimo le plus tonitruant débouchant sur une puissance phénoménale, demandant à son orchestre une extraordinaire réserve de puissance jusqu’à la démesure. Les cordes grondaient, les bois étaient éclatants et les cuivres hurlaient leur désespoir. Ecouter un concert de Mravinski dans la merveilleuse salle de la Philharmonie de Saint-Pétersbourg a été une expérience mémorable pour l’auteur de ces lignes.

En acceptant en 1938 de prendre la direction de la Philharmonie de Leningrad, Mravinski avait obtenu des autorités l’autorisation de répéter aussi longtemps qu’il le souhaitait, loin de tout horaire et pendant une centaine d’heures s’il le jugeait nécessaire, ce qui fut le cas pour la création de la 8e Symphonie que Chostakovitch lui a dédiée. Mravinski ne dirigeait pas seulement ses propres concerts, mais était omniprésent pendant toutes les activités de « son » orchestre. Vitrine de l’Union soviétique, la Philharmonie de Leningrad avait atteint un degré de qualité rarement atteint, jouant comme si la vie de chaque musicien en dépendait.

Heureusement, les témoignages ne manquent pas et on reste aujourd’hui encore tétanisé en écoutant les trois dernières symphonies de Tchaïkovski enregistrées pour DG lors d’une tournée de l’orchestre et de son chef à Londres en 1960. Mravinski dirige cette musique avec une telle tension dramatique qu’il est impossible de le comparer avec ses collègues : il y a lui et les autres. La musique russe du XXe siècle doit beaucoup à ce chef, en particulier Prokofiev et Chostakovitch, dont il était un des plus grands interprètes. Cependant, Mravinski possédait un vaste répertoire dépassant de loin les seuls compositeurs russes, Beethoven, Schubert, Brahms, Bartok, Honegger et bien d’autres.

Sous la baguette d’Evgueni Mravinski, la musique de Chostakovitch prend des allures de tsunami sonore ou de puissant manifeste politique. Les enregistrements radiophoniques, quelquefois de bien médiocre qualité, ont gardé la création des Symphonies n° 5, 6, 8, 9 et 10, juste avant que les deux hommes ne se disputent, mettant brutalement fin à leur longue amitié.

La direction sévère de Mravinski prouve qu’une préparation minutieuse ne nuit en rien à l’émotion et à l’épreuve de feu du concert comme à celle du disque. S’il fallait n’emporter qu’un disque de Mravinski sur votre île déserte, prenez les 3 symphonies de Tchaïkovski, vous y vivrez, sinon en paix, du moins avec passion pour le reste de votre âge. © François Hudry/QOBUZ

Discographie

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