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Ania Dorfmann

Odessa était jadis appelée « la perle de la mer Noire ». Mais c’est une autre sorte de perle que les mélomanes chérissent en Odessa, à savoir une remarquable pépinière de pianistes. La longue liste des pianistes nés à Odessa couvre plusieurs générations de légendes du clavier telles Maria Grinberg, Emil Gilels, Samuel Feinberg, Benno Moiseiwitsch, Vladimir de Pachmann, Simon Barere, Yakov Zak et Shura Cherkassky. Il convient d’ajouter à cette liste Ania Dorfmann, qui éveilla l’intérêt international dans les années 1930 et 1940 avant de se consacrer exclusivement à l’enseignement.

Les dons musicaux de Dorfmann, née le 9 juillet 1899, se déclarent très tôt. Elle donne son premier concert à onze ans et accompagne à la même époque un violoniste à peine plus jeune nommé Jascha Heifetz. Bien qu’elle ait été acceptée à l’âge de douze ans au Conservatoire de Paris pour y étudier avec le pédagogue renommé Isidor Philipp, Dorfmann ne fera quasiment jamais mention de lui plus tard. Selon Alexander Peskanov, l’un de ses étudiants à la Juilliard School, elle affirmait être autodidacte, à l’exception de quelques leçons prises à l’âge adulte auprès d’Artur Schnabel qu’elle révérait. Il n’empêche que l’enseignement de Philipp, qui mettait l’accent sur la clarté et l’indépendance des doigts, doit avoir imprégné l’esprit indépendant de sa jeune élève. Et c’est par l’intermédiaire de Philipp que Dorfmann participe à un mémorable concert marathon présentant les cinq concertos pour piano de Camille Saint-Saëns à la Salle Érard, le 1er juin 1921, six mois avant la mort du compositeur. Dans l’intervalle, la jeune pianiste ambitieuse et assidue s’est fait connaître en Europe, où elle élit bientôt domicile.

Entre 1931 et 1938, Dorfmann réalise une série d’enregistrements pour le label British Columbia. Forte de ses succès européens, Dorfmann débute aux États-Unis le 27 novembre 1936 avec un récital au Town Hall de New York. D’autres récitals au Town Hall en 1937 et 1938 attirent l’attention du président de RCA Victor, David Sarnoff, qui recommande la pianiste à Arturo Toscanini pour son cycle Beethoven avec l’Orchestre Symphonique de la NBC en 1939. Le maestro engage Dorfmann pour la Fantaisie chorale (une œuvre qu’il ne dirigea jamais par ailleurs), radiodiffusée depuis Carnegie Hall le 2 décembre 1939. C’est apparemment la première fois que Toscanini travaille avec un pianiste de sexe féminin. Malgré de menus cafouillages, le maestro semble avoir été satisfait puisqu’il s’adresse de nouveau à Dorfmann en 1942 pour jouer dans le Triple Concerto avec le New York Philharmonic. Deux ans plus tard, Dorfmann est la soliste du Premier Concerto dans le cadre du cycle Beethoven de Toscanini en 1944, retransmis lui aussi par NBC. Pianiste et chef se retrouvent l’année suivante pour enregistrer l’œuvre pour RCA Victor. Il s’agit dans l’ensemble d’une lecture preste et agile, délivrée avec un abandon exubérant et une transparence de musique de chambre. Cette approche baigne la musique dans une ambiance presque rossinienne qui convient à merveille au jeune Beethoven.

Dans le sillage de ces enregistrements consacrés à Beethoven, Dorfmann intègre l’écurie de pianistes RCA Victor, qui compte déjà Arthur Rubinstein, José Iturbi, Alexander Brailowsky, William Kapell, Byron Janis, ainsi que son proche ami Vladimir Horowitz. Si elle n’a hélas pas enregistré beaucoup, sa discographie couvre néanmoins un large éventail de styles, la part belle restant au répertoire classique. « Ania se montrait très économe dans l’emploi de la pédale », se souvient Peskanov, « et ne l’utilisait que lorsque c’était absolument indispensable. Son jeu était toujours soigneusement différencié, transparent et équilibré. Même si elle jouait extrêmement bien les œuvres classiques et baroques », poursuit Peskanov, « Ania était dans l’âme une pianiste romantique, avec une approche très spontanée des œuvres. Elle ne jouait jamais deux fois de la même manière. »

Ce point est particulièrement évident si l’on compare les extraits des Fantasiestücke Op. 12 de Schumann enregistrés en 1947 d’une part, le cycle complet de 1958 d’autre part. Ce dernier était couplé avec une lecture du Carnaval de Schumann à la fois classiquement équilibrée et riche d’imagination dans les détails. Il s’agit là des tout derniers enregistrements studio de Dorfmann, les seuls qui préservent son art en stéréo. Atteinte d’arthrite, Dorfmann se retira progressivement de la scène pour se consacrer à l’enseignement. Elle sera un pilier de la faculté de piano de la Juilliard School of Music jusqu’à sa retraite en 1983, avant de s’éteindre dès l’année suivante à New York. © SM/Qobuz

Discographie

26 album(s) • Trié par Meilleures ventes

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