Une campagne de l’association Zero db, rassemblant des groupes tels que Massive Attack et Elbow, s’insurge contre l’utilisation de leur musique par l’armée américaine pour torturer certains prisonniers.

L’agence Associated Press reporte d’hallucinantes méthodes utilisées par les Etats-Unis : du rock diffusé à plein volume pendant des jours dans des cellules, pratique utilisée par l'armée américaine en Irak, en Afghanistan et à Guantanamo, est destiné à briser psychologiquement des détenus. Ce constat a été dénoncé non seulement par les prisonniers mais aussi par des musiciens qui ne veulent plus que leurs compositions soient utilisées comme instrument de torture.

Une campagne de protestation lancée le 10 décembre par zero db réunit ainsi des groupes et artistes de renom, dont les Anglais de Massive Attack.

Donald Vance, un entrepreneur de Chicago qui travaillait avec l'armée américaine a subi ce traitement pendant des semaines lors de sa détention en Irak. Soupçonné de vente d'armes à des insurgés, il a été enfermé dans une cellule glaciale de 2,3m x 2,3m, où un haut-parleur protégé par une grille métallique déversait 20 heures par jour un torrent de décibels.

Vance, qui clame son innocence, a raconté à Associated Press que s'il avait pu, il se serait suicidé pour échapper à cet enfer. Il portait une combinaison et des tongs et n'avait rien pour se protéger du froid. « Je n'avais ni couverture ni drap, dit-il. Si j'en avais eu, j'aurais probablement tenté de me suicider. »

Outre le haut-parleur placé dans sa cellule, deux autres, de grande taille, étaient installés dans le couloir à l'extérieur, explique-t-il. La musique était quasi-permanente, précise-t-il. Il s'agissait essentiellement de hard rock.

Pendant plusieurs mois, Vance a subi cette agression sonore menée à coups de chansons d'AC/DC, Nine Inch Nails, Queen, Pantera et bien d’autres. « Je ne peux pas vous dire combien de fois j'ai entendu We Will Rock You de Queen », dit-il.

Cette pratique a été courante dans la guerre menée par les Etats-Unis contre le terrorisme. Elle a été autorisée le 14 septembre 2003 par le général Ricardo Sanchez, alors commandant de l'armée américaine en Irak, pour « créer la peur, désorienter et prolonger le choc de la capture »

Vance était au moins familier du rock, contrairement à de nombreux détenus en Afghanistan, où l'armée américaine a commencé à utiliser cette technique. Binyam Mohammed, aujourd'hui prisonnier à Guantanamo Bay, raconte que les hommes avec qui il était enfermé dans la « prison noire » de la CIA en Afghanistan finissaient par hurler et à se frapper la tête contre les murs, incapables d'en supporter davantage.

Aujourd'hui, des musiciens se rassemblent pour demander à l'armée de cesser d'utiliser leurs compositions contre des détenus. La campagne lancée le 10 décembre réunit Massive Attack, Audioslave, des musiciens comme Tom Morello de Rage Against the Machine, et d’autres groupes.

Elle se traduira par des minutes de silence lors de concerts et de festivals, explique Chloe Davis, de l'association juridique britannique Reprieve, qui défend des dizaines de détenus de Guantanamo et organise la campagne.

Selon le contre-amiral David Thomas, commandant de la prison de Guantanamo, cette pratique n'a pas été utilisée depuis son arrivée il y a environ six mois. Le commandant Pauline Storum, porte-parole du centre de détention, a refusé de préciser quand et comment cette technique y avait été employée auparavant.

Des agents du FBI à Guantanamo ont rapporté de nombreux cas d'exposition de détenus aux décibels, une pratique dont on leur avait dit qu'elle était courante ici… Selon une note de service du FBI, un chargé d'interrogatoire de Guantanamo s'est vanté de pouvoir briser quelqu'un en quatre jours, en l'exposant alternativement à 16 heures de musique et de lumières et quatre heures de silence et d'obscurité.

Il n'y a pas que du hard rock ou du rap, qui est utilisé contre les détenus. Christopher Cerf, qui a écrit des chansons pour l'émission de télévision pour enfants Sesame Street (1 rue Sésame, en français), a été horrifié d'apprendre que certaines avaient été employées dans ce but par l'armée.

L'épreuve aura duré plusieurs mois pour Vance, finalement libéré au bout de 97 jours, il y a deux ans. Lorsqu'on lui demande de décrire ce qu'il a subi, il répond : « vous n'êtes plus vous-même. Vous ne pouvez plus formuler vos propres pensées dans un tel environnement. Cela peut rendre fou ! »

Le site officiel de Zero db