Dirigée par William Christie et mise en scène par Clément Hervieu-Léger, la Didone de Francesco Cavalli s’installe pour cinq soirs au Théâtre des Champs-Elysées.

Jeudi 12, samedi 14, lundi 16, mercredi 18 et vendredi 20 avril, à 19h30, La Didone de Giovanni Francesco Busenello, mis en musique par Francesco Cavalli s’installera au Théâtre des Champs-Elysées à Paris. A la baguette, William Christie dirigera ses Arts Florissants, dans une mise en scène signée Clément Hervieu-Léger. Il existe deux versions de cette Didone, l’une vénitienne de 1641, l’autre napolitaine de 1650. La première est celle choisie par les Arts Florissants.

Même si Monteverdi demeure pour beaucoup l’inventeur et le propagateur de l’opéra, c’est à son élève Francesco Cavalli que le genre doit son succès durable et son extension européenne, des salles vénitiennes à la cour de France (il compose Ercole Amante destiné aux noces de Louis XIV). Cavalli est le maître du genre vénitien où le tragique et le comique s’enchevêtrent comme dans une pièce de Shakespeare. Ce compositeur né le 14 février 1602 à Crema avait déjà été mis à l’honneur aux Champs-Elysées par René Jacobs mais ses opéras n’y avaient pas encore été abordés par William Christie.

Après une fréquentation fervente de l’œuvre de Monteverdi, avec les metteurs en scène Adrian Noble à Aix-en-Provence, Bernard Sobel à Lyon, Pier Luigi Pizzi à Madrid, le patron des Arts Florissants se devait de redonner vie à ce compositeur majeur qu’est Cavalli qui a inspiré des Lully ou Alessandro Scarlatti. Cette Didone est donc mise en scène par Clément Hervieu-Léger, pensionnaire de la Comédie-Française. C’est la première mise en scène d’opéra pour cet acteur de 34 ans, remarqué pour sa Critique de l’École des femmes de Molière montée l’an passé au StudioThéâtre. Hervieu-Léger a également été l’assistant de Patrice Chéreau (Così fan tutte, Tristan und Isolde) et s’est entouré, outre Eric Ruf pour les décors, de collaborateurs artistiques qui sont proches de ce metteur en scène (Bertrand Couderc aux lumières et Caroline de Vivaise aux costumes).

Côté distribution, Anna Bonitatibus est la en reine de Carthage de cette production, Énée étant interprété par le ténor croate Kresimir Spicer. Egalement présent sur la scène du théâtre de l’avenue Montaigne, les contre-ténors Xavier Sabata et Terry Wey et le baryton Victor Torres.

Claveciniste, chef d’orchestre, musicologue et enseignant, William Christie a contribué comme nul autre à la redécouverte en France de la musique baroque, en particulier du répertoire français des XVIIe et XVIIIe siècles, qu’il a révélé à un très large public. Maître incontesté de la tragédie-lyrique comme de l’opéra-ballet, du motet français comme de la musique de cour, le natif de Buffalo, naturalisé français en 1995, explore également d’autres répertoires européens (Monteverdi, Rossi, Scarlatti, Purcell, Haendel, Mozart, Haydn), dont nombre d’interprétations ont fait date. Christie collabore également avec de grands noms de la mise en scène de théâtre et d’opéra (Jean-Marie Villégier, Robert Carsen, Alfredo Arias, Luc Bondy) pour des productions lyriques à chaque fois remarquées (Les Indes galantes, Les Boréades, Le Retour d’Ulysse dans sa patrie, Les Paladins, The Fairy Queen, Atys). Chef régulièrement invité de festivals d’art lyrique (Glyndebourne, Aix-en-Provence), de maisons d’opéra (Opernhaus de Zurich, Brooklyn Academy of Music de New York, Opéra National de Lyon) ou du Philharmonique de Berlin, il est à l’origine du Jardin des Voix, académie de jeunes chanteurs qui a lieu tous les deux ans au théâtre de Caen, dont les cinq premières éditions depuis 2002 ont eu un très large écho en France, en Europe et aux Etats-Unis.

Présentée en 1641 sur la scène du Théâtre San Cassiano de Venise, La Didone est due à la plume de Giovanni Francesco Busenello, le fameux librettiste du Couronnement de Poppée. Cavalli entame alors une nouvelle collaboration avec l’auteur de Gli Amori di Apollo e di Dafne (1640). Tendant un miroir à la vivacité théâtrale de Busenello, Cavalli invente une histoire héroïque et tragique qui va déployer un nombre impressionnant d’outils expressifs. Il doit en effet satisfaire la curiosité du nouveau public payant. Dans La Didone, le pathos intense, le comique débridé, la multiplication des mélodies, les différentes façons de chanter surpassent les codes établis par son mentor Monteverdi.

La représentation des passions culmine dans le lamento, souvent exprimé sous forme d’une grave et noble passacaille. C’est ainsi que Cassandre chante son désespoir sur le corps de son amant tué au combat, Iarba sa tristesse d’être repoussé par Didon, et la reine de Carthage son abandon par Énée. Contrairement au temps dramatique très resserré de la Didon de Purcell, celle de Cavalli couvre l’histoire d’Énée depuis la chute de Troie, le meurtre de son épouse Créuse par les Grecs et son départ sur ordre de Vénus. Malmené par la tempête, il va échouer à Carthage où règne Didon, vainement courtisée par le roi nègre Iarba. Manipulée par Vénus et Neptune, la reine africaine s’éprend d’Énée jusqu’au départ du Troyen ordonné par les dieux. Mais chez Busenello/Cavalli, Didon recouvre une raison obscurcie par les manigances amorales des divinités. Elle épousera Iarba. Elle ne mettra pas fin à ses jours…

Le site du Théâtre des Champs-Élysées

Le site des Arts Florissants

Un extrait de cette production de La Didone enregistrée au Théâtre de Caen en octobre dernier :

La Didone Cavalli.mov

Théâtre des Champs-Elysées