Considérée comme l’une des plus grandes sopranos du XXe siècle, l’Australienne spécialiste du bel canto s’est éteinte à l’âge de 83 ans.

Joan Sutherland est décédée le 11 octobre à Genève en Suisse. Celle que l’on surnommait la Stupenda en raison de son timbre et de sa technique exceptionnels, s'est rendue célèbre notamment par sa contribution au renouveau du bel canto à partir du milieu des années 50. Du haut de ses 1 mètre 88, la cantatrice australienne compta parmi les plus grande voix du XXe siècle. Pour Pavarotti, elle était « la voix du siècle », alors que Montserrat Caballé décrivit la voix de Sutherland comme étant un « paradis »

Née le 7 novembre 1926 à Sidney, Joan Sutherland apprend le chant avec sa mezzo-soprano de mère avant de fréquenter l'école Sainte Catherine de Waverley, le plus ancien établissement anglican de Sydney. À 18 ans, elle entame de sérieuses études de chant et débute en 1947 en Australie en chantant Didon. Deux ans plus tard, elle remporte le concours le plus important d’Australie, le Sun Aria, puis part pour l'Angleterre afin d’étudier à l'École d'opéra du Royal College of Music.

En 1951, Joan Sutherland participe à la création de Judith d'Eugène Goossens. Ses débuts européens ont lieu le 28 octobre 1952 à Covent Garden dans le rôle de la Première Dame de La Flûte Enchantée.

Au début de sa carrière, l’Australienne se forme au répertoire de soprano dramatique wagnérienne, suivant l'exemple de Kirsten Flagstad, son idole. En 1953, elle interprète son premier grand rôle à Covent Garden, Amelia dans Un ballo in maschera de Verdi, suivi d'Aïda. La même année, elle participe à la création de Gloriana de Britten, composé spécialement pour le couronnement de la reine Élisabeth II.

C’est en 1954 que Joan Sutherland épouse le pianiste et chef d’orchestre Richard Bonynge. Celui-ci la convainc de se spécialiser dans le bel canto puisqu'elle possède une aisance remarquable dans le registre supérieur de colorature. De 1954 à 1957, elle aborde avec succès un large répertoire de rôles colorature et dramatiques : Eva dans Les Maîtres chanteurs de Nuremberg de Wagner, Agathe dans le Freischütz de Weber, Desdemona dans Otello et Gilda dans Rigoletto de Verdi, Donna Anna dans Don Giovanni de Mozart.

En 1957, Joan Sutherland chante Alcina de Haendel, entreprenant avec ce rôle sa redécouverte des opéras oubliés de la période baroque et belcantiste. L’année suivante, elle chante Madame Lidoine lors de la première anglaise de Dialogues des Carmélites de Poulenc.

L’année 1959 marque un tournant pour la cantatrice australienne. On lui offre de chanter Lucia di Lammermoor à Covent Garden sous la direction musicale de Tullio Serafin, dans une mise en scène de Franco Zefirelli. Un rôle qui transforme sa carrière, la célèbre scène de la folie la propulsant au rang de star internationale. Un an plus tard, Joan Sutherland enregistre un disque d’airs d’opéra, L’Art de la Prima Donna, considéré par certains critiques comme l'un des plus remarquables récitals discographiques jamais réalisé. Toujours en 1960, elle se produit à nouveau dans Alcina sur la scène de La Fenice de Venise où elle gagne ce fameux surnom de Stupenda, qu'elle conservera tout au long de sa carrière puis à Dallas pour ses débuts américains. La même année, elle chante Lucia à l'Opéra de Paris, puis en 1961 à la Scala de Milan et au Metropolitan Opera.

Joan Sutherland embellit progressivement son tableau de chasse des grandes héroïnes du bel canto : Violetta dans La Traviata de Verdi, Amina dans La Sonnambula et Elvira dans I puritani de Vincenzo Bellini en 1960 ; Beatrice di Tenda de Bellini en 1961 ; Marguerite de Valois dans Les Huguenots de Meyerbeer et Semiramide de Rossini en 1962. Elle y ajoute Marie de La Fille du Régiment de Donizetti en 1966, reprise au Met de New York le 17 février 1972, qui reste un de ses rôles les plus mémorables…

Dans les années 70, la voix de Joan Sutherland devient plus expressive et elle améliore sa diction. Elle aborde alors des rôles plus dramatiques comme Maria Stuarda et Lucrezia Borgia de Donizetti ainsi que le rôle-titre d’Esclarmonde de Massenet. Elle enregistre même une Turandot en 1972, bien qu’elle n’ait jamais chanté le rôle à la scène.

Dans les années 80, Sutherland qui a atteint la soixantaine, continue à chanter les rôles les plus difficiles grâce à une souplesse vocale et à une technique sans défaut. Elle ajoute Anna Bolena de Donizetti, Amalia dans I masnadieri de Verdi et Adriana Lecouvreur de Cilea à son répertoire. Pour sa dernière prestation scénique, elle chante Marguerite de Valois des Huguenots en 1990, à l’âge de 64 ans. Cependant sa dernière apparition publique a lieu lors d’une représentation de La Chauve-souris de Strauss aux côtés de Luciano Pavarotti et Marilyn Horne au Covent Garden de Londres, le 31 décembre 1990.

Joan Sutherland a largement contribué à la redécouverte des opéras de Donizetti mais n'abordera jamais le rôle d'Elizabeth I dans Roberto Devereux, déclarant ne pouvoir être en mesure d'interpréter cet ouvrage

Un portrait de Joan Sutherland par André Tubeuf (Classica n°88, décembre 2006/janvier 2007)