Zimmermann: Sinfonie in einem Satz (1. Fassung)

Chronique

C’est au début des années 1950 que l’avant-garde naissante commence à s’implanter à travers l’Europe ; Bernd Alois Zimmermann, jeune loup de trente et un ans, se voit en 1951 confier par l’Orchestre de la Radio de Cologne la composition d’une symphonie, ce sera cette phénoménale Symphonie en un mouvement (ici donnée dans la version initiale, car Zimmermann l’a remaniée deux ans plus tard), créée par Hans Rosbaud – qui ne fut pas trop tendre avec le jeune compositeur : trop sombre, trop rhapsodique, trop libre, trop violent, et la présence d’un orgue dans la partition ne facilitait pas son exécution. D’où remaniement, mais la version originale présente précisément les caractéristiques d’une personnalité hors du commun, déjà inclassable, et l’avant-garde (en particulier celle de l’École de Darmstadt, avec Boulez, Stockhausen et Nono en tête) aura d’ailleurs du mal à l’incorporer dans son giron – cela tombe bien, car tout porte à croire que Zimmermann n’en avait aucune idée. Il faut absolument écouter ce moment de délire orchestral, dans lequel se trouve déjà le germe de la noirceur brillante si représentative du compositeur, et ce désespoir qui finira d’ailleurs par le pousser au suicide en 1970. L’album se poursuit avec le Concerto pour cordes de 1949, qui fut créé par ce même orchestre, et dans lequel Zimmermann utilise les techniques dodécaphoniques héritées de Schönberg. Par contre, Giostra Genovese de 1962, qui suit ici le Concerto pour cordes, met en œuvre des techniques de « collage » et de citations qui deviendront l’une des marques de fabrique du compositeur : ici, il se saisit de quelques œuvres de la Renaissance pour les orchestrer – et les modifier au passage – dans un geste délibérément moderniste, mais sans tomber dans le néoclassicisme à la Stravinski : c’est bien du Zimmermann pur jus. L’album se referme avec la musique de scène pour Ubu de 1966, encore un ouvrage empruntant à des choses anciennes qu’il transforme radicalement dans un langage… ubuesque. Parmi lesdites choses plus anciennes, on percevra Stravinski, Beethoven, Bizet, Berlioz, Schubert, Bach, Wagner ou Moussorgski, pêle-mêle, avec parfois quelques tournures d’un jazz délirant. Un ouvrage génial que l’on aimerait volontiers entendre en France, pays de naissance d’Ubu. © SM/Qobuz