Leather Terror

Chronique

Après Leather Teeth sorti en 2018, Carpenter Brut livre ici le deuxième volet de sa trilogie annoncée. Gigantesque concept musico-cinématique narrant les aventures de Bret Halford, ce triptyque présente un second tableau plus noir et inquiétant que son prédécesseur. Défiguré par une expérience de chimie ratée et devenu une star du rock avec son groupe Leather Patrol, le héros se met en tête de se venger de tous les gens qui lui ont pourri la vie alors qu’il n’était qu’un timide étudiant introverti. Et le carnage commence. L’histoire, cousue de fil blanc, fait sourire. On est en plein film d’horreur de seconde zone des années 80. Mais la restitution musicale qu’en fait Carpenter Brut s’avère diablement haletante et efficace.

Le one-man band de Poitiers a eu notamment la brillante idée d’inviter à la fête quelques chanteuses et chanteurs qui transforment tout bonnement certains titres en hits potentiels, à l’image de The Widow Maker sur lequel officie Alex Westaway (Gunship). Imaginary Fire est quant à lui transcendé par Greg Puciato (ex-The Dillinger Escape Plan), le sublime …Goodnight, Good Bye par Krystoffer Rygg (Ulver), le poignant Stabat Mater par Sylvaine, et le morceau éponyme de l’album par Johannes Andersson (Tribulation), qui parvient à le faire sonner black metal alors même que ce disque tout entier ne contient pas la moindre note de guitare. Ce qui nous amène à la seconde prouesse de cet opus : parvenir à reproduire régulièrement la dynamique, la violence et la noirceur du metal en utilisant exclusivement des synthétiseurs. La performance n’est pas banale. En marge, les titres instrumentaux sont dans la droite lignée de ce que l’on attend spontanément du groupe : nous permettre de remuer à la fois à la tête et le bassin. La dimension éminemment dansable d’une bonne partie de sa musique perdure, Dieu merci.

Figure de proue du mouvement synthwave, Carpenter Brut explose les limites du genre avec sa bande originale fictive d’un film imaginaire. Leather Terror – c’est une certitude – va de nouveau réunir des publics bien disparates, car il y a véritablement une forme d’universalité au sein de ses compos. Le maître d’œuvre de ce bâtiment rétrofuturiste toujours en construction peut déjà être légitimement fier du travail accompli. © Charlélie Arnaud/Qobuz