Le festival Jazz à la Villette s’ouvrira le 31 août par un duo inédit entre le guitariste Marc Ribot rencontrera la bassiste et chanteuse Meshell Ndegeocello.

Mardi 31 août, la Cité de la Musique vivra une rencontre au sommet des plus inédites. Ce soir là, en ouverture de l’édition 2010 du festival Jazz à la Villette, le guitariste Marc Ribot rencontrera la bassiste et chanteuse Meshell Ndegeocello

Comme si le soleil avait enfin rendez-vous avec la lune ? Cette rencontre inédite entre la voix féline de la bassiste Meshell et la guitare sublimement chaotique de Ribot fait office de rêve humide pour mélomane avisé… Deux empêcheurs de tourner en rond que ces deux-la, deux improvisateurs nés, deux génies de la marge créatrice quelle soit jazz, soul, punk ou funk…

MeShell, que certains aiment à comparer à Prince, a propulsé le funk dans tous les territoires possibles. Comme Ribot a embarqué sa guitare dans les aventures les plus excitantes et les plus éclectiques, aux côtés de Tom Waits ou d’Alain Bashung, au cœur du répertoire cubain, dans la délicatesse de la musique classique haïtienne ou dans le free le plus extrême.

Marc Ribot vient de la marge jazz. Mais l’ADN de son avant-garde est aussi faite de rock (son travail avec Waits fut magistral), de soul (il commença aux côtés de Solomon Burke), de classique (le maître haïtien Frantz Casseus fut son professeur) voire de musique cubaine (avec son groupe Los Cubanos Postizos). De ce grenier d’Alice de Lewis Carroll, Ribot extrait un chant tendu, épuré, mais capable des caresses les plus délicates comme des attentats sonores les plus meurtriers. Il démonte et remonte tout ce qu’il touche. Et pas toujours dans le même sens… Qu’il s’agisse de l’héritage coltranien, des rengaines d’Arsenio Rodriguez, l’inventeur du son montuno, ou des relectures de Jimi Hendrix, son engagement est toujours total. C’est dans ces grands écarts que le génie de Marc Ribot s’épanouit.

Meshell Ndegeocello est plus qu'une Princesse. Trop aisé de ne voir dans l’époustouflante chanteuse, bassiste et auteur-compositeur que le modèle féminin du légendaire nain psyché-funk de Minneapolis… Depuis quinze ans, son alchimie est parfaite entre jazz, soul, pop, funk et hip-hop, véritable tarte à la crème habituellement indigeste chez ses confrères. Avec elle, libre comme un oiseau n'a jamais sonné aussi juste. Logique, c'est le sens de Ndegeocello en swahili…

Meshell Ndegeocello est unique car son amour pour les sons, les sens et l'essence de la musique supplante l'air du temps et les castes stylistiques dont on ne s'échappe jamais facilement. Elle peut alors s'offrir le luxe du grand écart, entre orgie jazz-funk au groove gargantuesque et ballade de pop-folk susurrée par sa voix sensuelle. Comme elle plastique les formats de la composition, passant d'une jam XL à tiroirs à une courte pop-song de 3mn 30. Tout est malléable chez elle.

Née à Berlin le 29 août 1968 et élevée à Washington, Meshell Ndegeocello avance à son rythme. Et les balises de son indépendance colorient cette trajectoire ; incontrôlable. Elle se rase la tête. Affirme sa bisexualité (assez jeune, elle a donné naissance à un fils, puis partagé la vie de la chorégraphe Winifred Harris et de l'écrivaine Rebecca Walker). Se convertit à l'Islam (appelez-moi Mes’hell Suihailia Bashir Shakur). Et surtout n'est rattachable à aucun courant.

Son chapelet, c'est sa basse. Instrument qu'elle sublime. Que Meshell Ndegeocello maîtrise comme personne. Une basse électrique qui ne se limite pas à l'esbroufe du slap, technique m'as-tu-vu de frappage de cordes dont abusent les maîtres de l'instrument. Quatre cordes à son arc pour mieux relier les genres. Et imbriquer avec logique les rondeurs du funk dans les architectures complexes du jazz. Le ciment, c'est sa voix. Organe brulant, tantôt rauque, parfois vaporeux. Filet à peine chanté, juste récité. Comme un rapping de velours. Chant de confesseur. Finalement, sa voix aussi est une basse… Sur scène, toute cette fusion prend une réelle dimension. Et son sens de l'improvisation filtre des thèmes protéiformes, magnifiques comme des mosaïques ancestrales...

Et comme improvisation ne peut rimer qu’avec liberté, difficile de ne pas voir dans cette union d’un soir entre Marc Ribot et Meshell Ndegeocello comme une géniale échappée belle, grande évasion de l’ouïe et des sens. Pour épauler ce tandem de rêve le 31 août à la Cité de la Musique, Keefus Ciancia sera aux claviers et Deantoni Parks à la batterie.

En première partie de cette soirée assez exceptionnelle, les festivaliers pourront découvrir le gospel thrash, sombre et ovni des Black Diamond Heavies, vraie machine à ressusciter les morts.

Improbable duo furibard composé de John Wesley derrière un Fender Rhodes en feu et Van Campbell aux commandes d’une batterie tout aussi incandescente, ils repousseront les frontières d’un groove marécageux digne d’une séance de magie noire. Un cri primal ancré dans le blues le plus sale et la soul la plus sexuelle qui, sur scène, revêt des allures de fin du monde. Démentiel, diabolique et nécessaire.

Le site de Marc Ribot

Le site de Meshell

Le MySpace des Black Diamond Heavies

Le site de la Cité de la Musique