A l’occasion de son 90e anniversaire, Pierre Boulez est «exposé» à la Cité de la Musique du 17 mars au 28 juin 2015. Une réussite aussi bien destinée aux novices qu'aux initiés, aux adorateurs comme aux détracteurs.

Plus que le simple nom d’un compositeur ou d’un chef d’orchestre, Pierre Boulez est devenu une institution à lui tout seul. Un genre ? Un mythe ? A coup sûr, le cœur de furieux crêpages de chignons entre pour et anti... En 2008 déjà, l’intéressé avait été l’invité du Musée du Louvre pour un cycle de concerts, conférences, colloques et pour une exposition qui proposait des lectures croisées des œuvres graphiques, littéraires et musicales du XIXe et XXe siècles. Cette fois, c’est le kaléidoscope boulézien qui est exposé dans sa globalité. Et plutôt joliment d’ailleurs. Du 17 mars au 28 juin, la Cité de la Musique (désormais baptisée Philharmonie 2) propose un parcours complet évoquant aussi bien le compositeur que le chef d’orchestre, le théoricien, le pédagogue et le fondateur d’institutions. Le visiteur traverse alors six décennies d’histoire musicale et artistique, d’histoire politique et d’histoire des idées. A cet égard, quel que soit l’avis porté sur Boulez, ce voyage dans le temps est des plus délicieux entre évocation de la Compagnie Renaud-Barrault, du Domaine Musical et de ses mythiques concerts, de toutes les figures de la compositions contemporaine d'alors (Cage, Stockhausen, Berio, Maderna, Nono, Pousseur...) ou bien encore des premières heures de l’Ircam.

On sait l’importance qu’attache Pierre Boulez aux autres arts, l’exposition rassemble donc de nombreux chefs-d’œuvre notamment de Paul Cézanne, Paul Klee, Nicolas de Staël, Alberto Giacometti, Francis Bacon, Piet Mondrian et André Masson. La musique dans tout ça ? Elle est évidemment bien présente. Une attention particulière est donnée à l’écoute d’une sélection d’œuvres dans des espaces dédiés : la Deuxième sonate, Le Marteau sans maître, Pli selon pli, Rituel ou bien encore sur Incises sont dégustables dans leur intégralité et le puissant Répons bénéficie même d’une diffusion spatialisée, réalisée en collaboration avec l’Ircam.

Pierre Boulez, vers 1961 - © Internationales Musikinstitut Darmstadt

Côté témoignages audio et vidéo – audioguide sur les oreilles de rigueur –, l’exposition propose aussi un nombre impressionnant de documents parmi lesquels de nombreux commentaires de Boulez lui-même. Un face à face Stravinski/Giacometti mémorable, un charmant petit reportage muet de la Compagnie Renaud-Barrault avec Boulez en tournée en Amérique du Sud, de passionnantes master-classes de direction et bien d’autres trésors méritent que le visiteur prenne le temps de s’attarder sur tout ce qui est ici présenté.

A l’arrivée, le travail de la commissaire de l’exposition, Sarah Barbedette, est plutôt remarquable. Pour l'anecdote, son nom ne croise pas ici pour la première fois celui de Boulez puisqu’en 2011, lorsque la jeune femme soutenait en Sorbonne sa thèse de doctorat sur Le concert - approche picturale et questions de poétique (dans laquelle le Domaine Musical est copieusement évoqué), un certain Pierre Boulez était dans le jury… Elle a par ailleurs travaillé avec lui à la conception des concerts Un certain parcours avec l'Orchestre de Paris en 2010. Sous ce même titre, elle a édité un livre d’hommage au chef d’orchestre par les musiciens...

Pierre Boulez, Troisième sonate, formant 3: Constellation-Miroir - Partition manuscrite autographe polychrome. 350 cm x 40,5 cm. Collection Pierre Boulez. Fondation Paul Sacher, Bâle - © Avec l’aimable autorisation de Universal Edition A.G., Vienne

La muséographie qu'elle orchestre à la Cité de la Musique fait le tri dans toute cette masse de documents en les ordonnant avec une rigueur qui touchera les adorateurs initiés comme les novices tendance Boulez pour les nuls mais aussi les détracteurs les plus virulents. Entre les deux étages de l’exposition, un long couloir propose enfin la lecture de nombreux agrandissements de coupures de presse en faveur du compositeur comme en opposition à ses idées et sa musique. Même si cette exposition très réussie est évidemment un panégyrique boulézien, cette amusante mais surtout passionnante parenthèse rappelle les nombreuses critiques dont l’intéressé fit et fait encore l’objet…

Le mini-site de l'exposition Pierre Boulez

Archives : écoutez notre podcast avec Pierre Boulez (novembre 2008)