Deux productions d'envergure consacrent le talent du fameux surintendant de Louis XIV. Une formidable occasion de découvrir ces raretés jamais ouïes ni montées depuis le XVIIIe siècle.

D'abord Cadmus et Hermione, le premier vrai opéra du tandem Quinault/Lully : après le rabibochage d'oeuvres éparses que furent Les Festes de l'Amour et de Bacchusavec lesquelles s'ouvrit la première Académie royale de musique, Cadmus et Hermione (1673) accomplit enfin la forme de la tragédie lyrique. Le genre est en place, notamment le prologue politique où le monstre Python (la Hollande) est vaincu par le (Roi-)Soleil... Christophe Rousset avait en partie proposé l'oeuvre il y a quelques années dans le cadre d'une Académie européenne d'Ambronay. Ce Cadmus-ci, dans sa version intégrale, convoque les fidèles du Poème Harmonique de Vincent Dumestre : citons les Claire LeFilliâtre, Arnaud Marzorati, Jean-François Lombard... La production marque aussi le retour de l'équipe à Lully puisque Benjamin Lazar, disciple d'Eugène Green et artisan magnifique du Bourgeois Gentilhomme et du Sant'Alessio, signe la mise en scène. Bougies, opulence des costumes et vertige d'une reconstruction taillée pour le goût d'aujourd'hui risquent fort de perpétuer les enchantements des Atys et Médée de jadis.

Avec Thésée,donné en 1675 au château de Saint-Germain-en-Laye, le genre de la tragédie lyrique a, cette fois, atteint sa maturité. Situé entre Alceste et Atys,l'opéra aurait mérité d'avoir Médée comme titre, tant la jalousie de la sorcière méprisée est le moteur de l'action. La fille du Caucase n'a guère de chance avec ses amants, qu'ils se nomment Jason ou Thésée. Le livret de Quinault, réutilisé par Haendel pour son Teseo, privilégie les amours de Médée mise à mal par un Thésée épris de la jeune Aeglé qu'aime également Égée, roi d'Athènes et incidemment père de Thésée. L'occasion pour le librettiste de railler l'impuissance sexuelle des vieux monarques. Scéniquement, la magie est à l'oeuvre : un flamboyant sacrifice au premier acte, un choeur de démons, des bergeries rêveuses mais aussi des chaconnes douces-amères... Et quel plateau ! Paul Agnew, Anne Sofie von Otter, Salomé Haler, Cyril Auvity... Après Benjamin Lazar, c'est un vétéran de la mise en scène qui retrouve Lully. Jean-Louis Martinoty appartient à la génération de Jean-Marie Villégier. Tous d'eux sont dotés d'une immense culture et n'ont guère leur pareil pour éclairer par de vertigineuses épaisseurs de sens les oeuvres qu'ils traitent. Martinoty fut, avec Jean-Claude Malgoire, celui qui exhuma l'Alceste de Lully au Théâtre des Champs-Élysées il y a vingt ans. Emmanuelle Haïm et son Concert d'Astrée effectueront quant à eux des débuts que l'on espère brillants dans l'exigeant univers de la tragédie lullyste. Deux moments forts avant de retrouver « Baptiste » et ses ballets de jeunesse lors de la saison 2008 du Centre de musique baroque de Versailles.

Thésée, au Théâtre des Champs-Elysées (Paris), les 20, 22, 25, 27 et 29 février.

Cadmus et Hermione, au Théâtre des Arts (Rouen), les 5 et 6 février.