Avec Je suis ton Labyrinthe, Fuoco e Cenere propose un superbe pont entre marionnettes et musique baroque. Jay Bernfeld explique la démarche de son ensemble.

Ensemble d'interprètes, Fuoco e Cenere cherche à restituer aux textes poétiques toute la grandeur des sentiments et des images, et à bouleverser par la beauté. La singularité de cette formation menée avec fougue par le violiste Jay Bernfeld ne se situe pas seulement dans son répertoire, qui s'étend du Moyen-âge à nos jours, mais surtout dans sa volonté de passionner son public, de lui laisser un souvenir bien au-delà du concert.

Avec le spectacle Je suis ton Labyrinthe mis en scène par David Lippe, Fuoco e Cenere propose une facette passionnante de son travail.

Au sein du répertoire baroque italien, le genre de la Cantate profane pour voix seule avec basse continue reste fort peu exploré, alors que c’est le plus important historiquement et souvent le plus raffiné esthétiquement. Mais il n’est pour ainsi dire pas présent dans la conscience musicale du public actuel. La Cantate obéit à une codification, dont le ressort rhétorique est l’amour impossible, la frustration née de l’absence de réciprocité ; la seule libération ne peut surgir que du désamour.

Par le recours à la marionnette, Fuoco e Cenere veut révéler le sens profond de cette musique : un être, en rêve, désespère d’atteindre l’objet de son désir, mais accumule les obstacles et à travers le thème de l’humain et de l’inhumain, qui est aussi celui du castrat, donner à réfléchir sur la transformation ou la sublimation du corps, la mise en scène globale intégrant les musiciens et les marionnettistes.

Un spectacle avec Guillemette Laurens et Isabelle Poulenard (chant), David Lippe et Philippe Rodrigez Jorda (marionnettes), Jay Bernfeld (viole de gambe), Patricia Lavail (flûte à bec), André Henrich (Théorbe) et Laure Vovard (clavecin).

Je suis ton Labyrinthe, marionnettes en cantates chez Scarlatti et Durante, sera donné :

{{{• Dimanche 8 mars, salle Gaveau à Paris.

• Vendredi 15 mai au Théâtre musical de Franconville.

• Vendredi 7 août au Théâtre musical du Festival des Abbayes de Lorraine.}}}

Comment êtes-vous arrivé à lier l’univers musical de Scarlatti à celui des marionnettes ?

Jay Bernfeld : Un ami, Xavier Carrère, de France Musique, ardent défenseur de la musique trop peu connue et infiniment trop peu jouée d’Alessandro Scarlatti, a depuis toujours le rêve d'unir sur la scène ses remarquables Cantates humaine et inhumaine aux paraphrases qu’en a tirées Francesco Durante. Nous admirons les qualités métamorphiques et disons-le, magiques, de ces œuvres et nous avons vu tout de suite la marionnette comme le partenaire scénique idéal de la musique : elle devient en quelque sorte le traducteur de ces textes auprès du public moderne. Mais nous ne sommes pas les premiers à lier ces deux royaumes distincts et merveilleux car chez le Cardinal Ottoboni, le grand mécène de Scarlatti, se trouvait un théâtre de marionnettes célèbre dans toute l'Europe, dans lequel notre compositeur a été directement impliqué. Notre idée n'était pas de recréer un événement historique mais d'inviter le spectateur à réagir à cette musique d'autrefois à travers les merveilles d'un langage visuel d'aujourd'hui.

Votre approche tant de la viole de gambe que de la direction musicale est-elle différente pour ce spectacle ?

Jay Bernfeld : En ce qui concerne la viole, mon jeu est toujours inspiré par la voix, que dire d'autre... Mais pour la direction musicale c'est une tout autre histoire. Pour ce projet, j'ai choisi deux voix et pas n'importe lesquelles… Isabelle Poulenard et Guillemette Laurens sont parmi les interprètes qui m'ont le plus fait frissonner pendant toutes ces années de travail. J'ai fait appel à ces personnalités pleines de talent, à la fois chanteuses et actrices, pour me laisser inspirer par leur expérience. Après avoir joué le rôle de catalyseur, de sculpteur, j'ai adopté l'attitude de celui qui ajoute la dernière couche de vernis, celui qui dépose la patine, le clair-obscur.

Comment avez-vous travaillé avec David Lippe ?

Jay Bernfeld : Je voudrais tout d'abord souligner le plaisir que j'ai éprouvé à travailler avec David à chaque étape de notre histoire, ainsi qu'avec notre troisième mousquetaire, Xavier Carrère, qui a eu l'idée de notre rencontre. Pendant l'année précédant les répétitions nous avons pris l'habitude de nous réunir souvent, presque à la façon des anciennes académies, prenant tout le temps de parler de ces Cantates. Nous avons savouré leur poésie, rêvé sur l'amour en Arcadie, et petit à petit goûté aux merveilles de ces partitions. Une fois prête ma mosaïque musicale, j'ai invité David à se faire lui-même musicien, lui montrant les effets qui m'intéressaient, les moments où l'accent mis sur un mot allait se marier avec un geste, des idées à amplifier. David à son tour a permis à notre ensemble de devenir acteur/manipulateur et même manipulé ! A chaque reprise nous avons l'impression de partir pour un royaume lointain, merveilleux- un monde intemporel, un lieu qui nous est cher.

Le site officiel de Fuoco e Cenere