Du 31 mai au 13 juin, la Cité de la Musique se transformera en temple du chant avec la 4e Biennale d’Art Vocal et son casting cinq étoiles avec Bernarda Fink, Accentus, Ton Koopman, Il Giardino Armonico, Emmanuel Krivine et bien d’autres.

Du 31 mai au 13 juin, la Cité de la Musique au Parc de la Villette à Paris se transformera en temple du chant avec la Biennale d’Art Vocal. Pour sa quatrième édition, l’événement réunira un alléchant casting international réunissant entre autres l’ensemble Accentus, la Cappella Amsterdam, l’ensemble Les Eléments, le SWR Vokalensemble Stuttgart, le Brussels Philharmonic, le Chœur et Orchestre Philharmonique de Radio France, l’ensemble transalpin Il Giardino Armonico, La Chambre Philharmonique, l’Ensemble intercontemporain et La Venexiana.

Côté répertoire, l’éclectisme sera de rigueur : pour cette édition 2009 de la Biennale d’Art Vocal, les œuvres phares du répertoire soliste ou choral côtoieront des lectures plus décalées (Mahler transcrit pour voix) et des œuvres nouvelles (une cantate de Georges Aperghis). En prime, chaque concert sera précédé d'un prélude donné par un chœur d'enfants ou de jeunes.

LE PROGRAMME COMPLET

DIMANCHE 31 MAI, 16H30

La Cité accueillera tout d’abord l’Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par le grand Ton Koopman et le Chœur de Radio France dirigé par Fritz Näf, avec la soprano Katharine Fuge, l’alto Marie-Claude Chappuis, le ténor Topi Lethipuu et la basse Klaus Mertens seront réunis pour un programme Haydn. Dernière grande œuvre achevée du compositeur, la Harmoniemesse (1802) tire son surnom de l’importance qu’y ont les instruments à vent (« l’harmonie »). Ce qui n’empêche nullement que l’écriture chorale et vocale soit parmi les plus inventives qui soient. Dans le Kyrie, le chœur surgit fortissimo, sur fond de roulement de timbales, pour laisser place ensuite à la basse, sur une chute d’octave. Dans le Gloria qui suit, les mots « Et in terra pax » sont énoncés sur de saisissants la bémol à l’unisson. Le même Gloria, puis le Credo et l’Agnus Dei final sont également l’occasion de déployer un art de la fugue virtuose.

MARDI 2 JUIN, 20H30

Pour le second temps fort de cette Biennale, l’ensemble Accentus de Laurence Equilbey et le Latvijas Radio Koris offriront au public de la Cité de la Musique un programme Richard Strauss et Gustav Mahler. Les Deux Chants op. 34 de Strauss, composés en 1897, figurent parmi les premiers essais du compositeur pour la voix. La maîtrise de l’écriture chorale – tantôt antiphonique, comme dans Der Abend, tantôt fuguée, comme dans Hymne – est impressionnante. Elle annonce la facture exigeante du Motet allemand op. 62 (1913), où les voix sont traitées comme de véritables instruments. Mais Accentus se joue de pareilles difficultés. C’est d’ailleurs dans cet esprit que le compositeur Clytus Gottwald a transcrit pour voix plusieurs lieder de Mahler, donnant au chœur le statut d'un autre « orchestre à cordes » (vocales), comme le dit joliment Gérard Pesson.

JEUDI 4 JUIN, 20H30

Autre grand moment très attendu de cette Biennale d’Art Vocal 2009, la prestation de l’ensemble Il Giardino Armonico dirigé par Giovanni Antonini avec la grande mezzo-soprano Bernarda Fink pour des relectures d’œuvres signées Caldara, Marini, Monteverdi, Vivaldi, Haendel et Pisendel. La cantate sacrée italienne Il pianto di Maria a été longtemps attribuée à Haendel, alors qu’elle est de Giovanni Battista Ferrandini (1710-1791). Elle reste comme le portrait bouleversant d’une mère rebelle qui crie sa douleur, accuse le Ciel d’avoir abandonné son fils et ose des paroles enaçantes. Autour de cette page grandiose sont rassemblés d’autres moments forts : notamment le Pianto della Madonna de Monteverdi, une contrefacture pour voix seule du célèbre Lamento d’Arianna.

SAMEDI 6 JUIN, 20H30

Changement radical de répertoire pour la soirée suivante avec la Symphonie n° 9 « Hymne à la joie » de Beethoven par La Chambre Philharmonique d’Emmanuel Krivine et l’ensemble les Eléments de Joël Suhubiette avec la soprano Sinéad Mulhern et l’alto Carolin Masur. Le finale de cette Neuvième de Beethoven, avec la célèbre Ode à la joie, c’est l’entrée de la voix – soliste et chorale – dans l’univers instrumental de la symphonie. Un événement d’une immense portée dans l’histoire de la musique : Wagner y verra les prémices de « l’art de l’avenir », la voie vers l’œuvre d’art totale, ce « drame universel dont, disait-il, Beethoven nous a forgé la clef artistique ».

DIMANCHE 7 JUIN, 16H30

Nouveau changement de cap avec cette fois l’opéra de Claudio Monteverdi L'incoronazione di Poppea mis en scène par Paola Reggiani avec La Venexiana dirigée par Claudio Cavina et les voix de Emanuela Galli, Roberta Mameli, Jose' Lo Monaco et Ian Honeyman. Créé à Venise en 1643, ce Couronnement de Poppée est un « drame musical » en un prologue et trois actes, d’après les Annales de Tacite ainsi que divers écrits de Suétone, de l’historien Dio Cassius et du pseudo-Sénèque. Les voix épousent toutes les inflexions des passions : Poppée et Néron tendent vers le lyrisme hédoniste, Octavia est cantonnée dans des récitatifs hauts en couleur, Othon est hésitant et limité dans sa tessiture, tandis que Sénèque est fier et sûr de lui…

MARDI 9 JUIN, 20H30

Luis-Fernando Rizo-Salom et Luciano Berio seront au cœur de la soirée du 9 juin grâce à l’Ensemble intercontemporain sous la direction de Susanna Mälkki, la Cappella Amsterdam, le Jeune Chœur de Paris et la soprano Julia Henning. Luciano Berio et Edoardo Sanguineti (l’auteur du livret) ont qualifié Passaggio, ce spectacle en un acte créé en 1963, de messa in scena. Ce qu’on peut traduire à la fois comme « mise en scène » ou comme « messe en scène ». De fait, les six sections de l’œuvre sont intitulées « stations », non sans évoquer le chemin de la Croix. Si passion il y a, ce n’est toutefois pas celle du Christ, mais celle de l’unique personnage féminin, simplement baptisé « Elle ». Et c’est seulement à partir des interventions du chœur que l’on peut deviner quelque chose comme une histoire d’arrestation, d’interrogatoire et de torture. Ce chœur, d’ailleurs, semble relayer les plus perverses pensées qui peuvent surgir face à la protagoniste exposée : le public la désire, il approuve ses souffrances, il renchérit lorsqu’elle est offerte à la vente… L’intention provocante des auteurs fut récompensée, lors de la première à Milan, par un beau scandale.

VENDREDI 12 JUIN, 20H30

Wölfl i-Kantata d’Aperghis par les Neue Vocalsolisten Stuttgart et le SWR Vokalensemble Stuttgart dirigé par Marcus Creed est au menu du concert suivant. Adolf Wölfl i (1864-1930) est considéré comme l’un des principaux représentants de l’art brut. Il a passé plus de la moitié de sa vie dans une clinique psychiatrique à Berne, en Suisse. Les œuvres picturales qu’il n’a cessé de produire témoignent d’une horreur du vide : elles sont tramées de figures étranges, de mots incohérents… Elles figurent parmi les plus saisissantes productions plastiques qui soient. Georges Aperghis, inlassable explorateur des frontières de la musique et de la langue, consacre à cet artiste dérangeant une somptueuse cantate, pour six solistes vocaux et chœur mixte. Comme il l’écrit lui-même : « Cette cantate s’inspire du travail textuel et pictural d’Adolf Wölfl i et développe certaines pulsions qui s’y trouvent (remplissage excessif et compulsif de l’espace, énumérations de chiffres, inventaire, répétitions rituelles, détails agrandis inconsidérément, surchargés, détournés sans cesse de leur sens premier, polyphonies saturées, etc.) tout en gardant une distance, une “harmonie”, qui canalise ces débordements et proliférations… ».

SAMEDI 13 JUIN, 20H30

Pour clore cette belle Biennale 2009, la Cité de la Musique résonnera d’une création de Luca Francesconi et Coro de Berio avec le Brussels Philharmonic - The Orchestra of Flanders, le Chœur de la Radio Flamande, le Chœur de chambre de Namur, Michel Tabachnik, Bo Holten et Jean Tubéry. C’est un cri de révolte que l’on entend dans Coro, l’un des chefs-d’œuvre de Berio des années 70 : les vocalistes, dispersés parmi l’orchestre pour être chacun couplé à un instrument, prononcent en tutti une phrase de Pablo Neruda, « Venez voir le sang dans les rues », qui ponctue comme un refrain des mises en musique de textes traditionnels de la Polynésie, du Pérou, du Gabon ou des Indiens d’Amérique… Car Coro est aussi, comme le disait Berio lui-même, une « anthologie de styles et de techniques divers », inspirée par les recherches de Simha Arom sur la musique d’Afrique centrale et les orchestres de trompes des Banda Linda, où une soixantaine de musiciens peuvent ne jouer chacun qu’une seule note. Faisant écho à cette œuvre monumentale, une création de Francesconi, né en 1956, qui fut l’élève et le collaborateur de Berio dans les années 80.

Le site officiel de la Cité de la Musique