Le 4 février 2001 disparaissait Ian­nis Xe­na­kis, com­po­si­teur « classique du XXe siècle » comme il aimait se définir, mais aussi ingénieur et architecte. Voulant relier musique, mathématiques et philosophie, sans exclure le sentiment et l’expression, il introduira dans la composition musicale des lois mathématiques les plus complexes — pour lui inscrites dans la nature — telles que l’indétermination, la logique symbolique et la théorie des ensembles. Il sera aussi le créateur de spectacles scéniques qui marquèrent son époque.

De nationalité française depuis 1965, Iannis Xenakis grandit cependant en Grèce. Il fréquente l’Ecole Polytechnique d’Athènes et devient ingénieur. L'évolution de la situation politique dans son pays après la guerre le pousse à l'exil. Arrivé en France en 1947, il fréquente Messiaen, devient l’assistant architecte du grand Le Corbusier, et compose une musique dans laquelle il met à profit sa double culture musicale, acquise pendant l'enfance, et mathématique pour trouver une alternative à la polyphonie sérielle, utilisée à l'époque par des compositeurs comme Pierre Boulez, à laquelle il reprochait de ne pas permettre la mise en valeur des capacités créatrices de l'artiste, sa personnalité et ses émotions.

Les mathématiques préservent sa musique des compromissions et des facilités. Pour se diriger dans l’immensité du possible, il se fonde sur le "Calcul des Probabilités", sur la "Théorie des Ensembles" et sur celle des "Jeux" utilisant même occasionnellement l’ordinateur. Les différents calculs qu’ils établissaient pour chaque œuvre lui ont permis de définir, par la loi des grands nombres, les coordonnées de temps, de hauteur et de timbre, de chaque particule sonore isolée qui ne constitue pas une « note » signifiante en elle-même mais qui concourt par son effet de masse avec les autres à produire un état ou une évolution globale statistique. Xenakis appelle sa nouvelle conception de la musique « stochastique ».

Architecte de formation, il voulait retranscrire les lignes géométriques par des sons : pour une ligne montante, il doit obtenir un son qui monte et qui va se traduire par un glissando sur les cordes de l’instrument fait avec le doigt. Il a de fait créé une nouvelle manière de jouer d’un instrument, une évolution qui, par sa difficulté, fait reculer de nombreux interprètes. Selon Michel Tabachnik, l’œuvre de Xenakis n’est "pas difficile dans l’exécution", mais "fait appel à une tout autre mentalité".