Diabolus in musica. Voilà comment on appelait le triton, cet intervalle de quarte augmentée (ou quinte diminuée), à la fin du Moyen Âge. Peut-être l'avait-on trop entendu depuis des siècles dans le chant grégorien. Le goût ayant changé, on le trouva soudain trop dur à l'oreille, ce qui lui valut son surnom. TRITON c'est aussi le nom d'un petit label français indépendant que vous trouverez sans peine sur votre Qobuz, spécialisé dans la musique pour orgue et la musique d'aujourd'hui ; un diable de label qui se bat pour faire connaître aussi de jeunes instrumentistes et les compositeurs d'aujourd'hui. Ils ont nom Valéry Aubertin, Renaud Gagneux, Olivier Greif, Suzanne Giraud, Philippe Hersant, Jacques Richard ou Michael Radulescu. TRITON se penche aussi sur des instruments qui n'ont pas souvent la faveur des "Majors", comme la harpe, la guitare ou l'accordéon classique.

Parmi leurs dernières parutions, signalons cet enregistrement du jeune ensemble féminin, le Quatuor Sendrez, dans des oeuvres de Michel Sendrez, Nicolas Bacri, Florent Gauthier et Thierry Huillet. On notera au chapitre des curiosités, cet album consacré à la danse par la harpiste Emilie Gastaud avec des textes lus par André Dussolier ou encore le premier disque de l'excellent Trio Talweg, consacré au long et beau Trio avec piano de Tchaïkovski et au Trio no 1 de Chostakovitch.

Côté orgue, Bruno Morin signe un très beau disque consacré aux Concertos pour orgue seul de Handel, à la tribune de la Cathédrale Notre Dame de Boulogne-sur- Mer. Une autre rareté, les 2 Symphonies pour orgue d'André Fleury, jouées sur le sombre Cavaillé-Coll de l'église de la Madeleine à Paris.

Gianluigi Gelmetti sur le rocher

C'est un autre diable de musicien qui vient d'être nommé sur le rocher princier. Après dix mois d’une étroite collaboration, les fonctions de directeur artistique et musical de l'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo ont été confiées au maestro italien Gianluigi Gelmetti. Ce n'est pas un inconnu à Monaco puisqu'il a été déjà brièvement titulaire de ce même orchestre, entre 1990 et 1991, avant de se consacrer à l'Orchestre de la Radio de Stuttgart. Il aura pour tâche de remplacer le très charismatique Jakov Kreizberg, mort d'un cancer il y a deux ans. Engagé pour ses qualités bien connues de chef scrupuleux et exigeant, Gelmetti devra aussi développer une politique de découverte et de valorisation de jeunes chefs d'orchestre. On compte aussi sur lui pour donner un nouveau souffle à l'orchestre.

Gianluigi Gelmetti a enregistré un vaste répertoire pour plusieurs labels, dont Emi, Sony, Ricordi, Fonit, Teldec et d'autres. On y trouve des opéras italiens de Rossini, Puccini (Une Bohème et la rare Rondine), Piccinni, mais aussi une des plus belles versions du Concerto à la mémoire d'un ange de Berg (avec Franz-Peter Zimmermann) et une très raffinée anthologie des oeuvres orchestrales de Ravel enregistrée à Stuttgart, malheureusement indisponible actuellement en version numérique.

Cet élève de Franco Ferrara a aussi travaillé avec Sergiu Celibidache et Hans Swarowsky. De ces trois grands maîtres il a hérité un grand respect des partitions et une exigence de travail peu commune. Ses interprétations sont finement ciselées et ne laissent aucune place au hasard. Gelmetti se méfie du star-system comme des journalistes auxquels il porte peu d'attention. Très intéressé par la musique de notre temps, il a créé des oeuvres de Castiglioni, Donatoni, Henze et Rihm. L'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo a donc misé sur l'expérience et le sérieux d'un artiste à la renommée discrète, mais au métier sûr et inspiré.