En journalisme, les « marronniers » sont des articles qui reviennent périodiquement sur des sujets convenus, genre comment ne pas bronzer idiot à la fin du printemps ou comment préparer vos repas de fêtes en décembre... Sur votre Qobuz point de recette pour préparer un bon foie gras ou la « vraie » bûche de Noël, mais quelques pistes pour savourer en musique ces moments festifs obligatoires, de manière traditionnelle ou par des chemins de traverse.

Les éditeurs connaissent bien les marronniers qui rapportent toujours quelque chose sans se donner trop de peine. Témoin ce poids lourd qui fait toujours recette et qui vient d'être à nouveau réédité ; le Messie de Handel enregistré en 1959 par Sir Thomas Beecham, dans une version réorchestrée et sans aucune velléité musicologique, une curiosité croquignolesque qui a encore ses adeptes. Plus sérieusement, on pourra se tourner vers des versions historiquement renseignées, comme celles de John Eliot Gardiner, Stephen Cleobury ou Richard Hickox.

Une même jubilation traverse les 6 cantates de l'Oratorio de Noël de Johann Sebastian Bach. La version de Stephen Layton avec James Gilchrist et le Choeur du Trinity College de Cambridge est particulièrement festive avec ses trompettes rutilantes et ses timbales éclatantes. Quant au célèbre Magnificat en ré majeur, il a été enregistré à de multiples reprises et vous en trouverez de nombreuses sur votre Qobuz préféré. Vous ne savez laquelle choisir ? Alors écoutez l'enregistrement de Philippe Pierlot paru chez MIRARE autour de laquelle les anges de Fra Angelico semblent s'être donnés rendez-vous. Avec Philippe Herreweghe la jubilation se fait plus intérieure, alors que l'antique version de Karl Richter a pris un sacré coup de vieux, malgré les voix de Maria Stader ou de Dietrich Fischer-Dieskau.

Au 18e siècle en France, l?aimable Michel Corette (photo ci-dessus) nous laisse une Messe pour le tems de Noël pour orgue et voix remarquablement enregistrée par Stéphane Béchy, à l'orgue de l'église Saint-Rémy Dieppe construit en 1739 avec les voix de Sylvie de May et Françoise Masset. Le Grand Siècle nous a légué aussi de nombreuses pages pour l'époque de la Nativité. Marc-Antoine Charpentier a été très inspiré par ce thème qui nous vaut des chefs-d??uvre comme la Messe de minuit, les Noëls sur les instruments ou Nuit cette pièce instrumentale si évocatrice du mystère de Noël.

Si vous avez un tout petit dans la famille, les Incontournables de Noël lui permettra de se familiariser avec quelques chants qui font partie de notre mémoire collective. Si vous êtes plutôt du genre chemins de traverse, vous pourrez opter pour ce disque sympathique, enregistré par le Ganassi-Consort, réunissant quelques chants d'oiseaux qui gazouilleront gaiement autour du sapin, grâce à la verve de compositeurs (anglais pour la plupart) dont l'imagination à reproduire la nature est sans limites. Vous pourrez aussi écouter le touchant opéra écrit par Gian Carlo Menotti pour les petits américains, Amahl et les visiteurs de la nuit, enregistré par la télévision NBC en 1951, à une époque ou ce médium avait quelques idées. Au même moment en Europe, Arthur Honegger composait sa Cantate de Noël à la demande de son ami et mécène Paul Sacher. C'est un chef-d??uvre absolu qui a inexplicablement disparu des programmes de nos concerts. Et pourtant, quelle musique limpide, pleine de ferveur avec ses ch?urs d'enfants chantant des Noëls traditionnels de plusieurs pays.

Des vieux noëls aussi, français, en passant par les christmas carols américains, dont le fameux White Christmas popularisé par Bing Crosby, sont joliment interprété par le ch?ur Arsys Bourgogne qui a fait appel à de prestigieux compositeurs pour arranger certains titres.

Hector Berlioz écrivit une grande trilogie sacrée, L'Enfance du Christ, qui reste une des ses ?uvres les plus charmantes et les plus atypiques. Le choix est grand pour découvrir cette ?uvre rare, avec les enregistrements de Colin Davis, John Eliot Gardiner ou Philippe Herreweghe.

On gardera pour les curieux la découverte de l'Oratorio de Noël de Camille Saint-Saëns qu'il composa à l'âge de 22 ans pour l'église de la Madeleine. Une partition qui oscille entre la tradition populaire et la musique de chambre.

Si vous avez du goût pour les disques de stars, vous serez comblés avec Robert Alagna ou les Trois ténors chantant cette musique de circonstance, car ce genre d'album a toujours la cote.

Je garde pour la fin la plus belle, peut-être, des messes de Noël écrite en 1796 par un obscur compositeur-professeur bohémien Jakub Jan Ryba (photo ci-dessus) et qui est dans le coeur de tous les tchèques. Inconnu en France, il est surtout vénéré pour sa Messe de Noël tchèque, un petit bijou écrit d'après une compilation de textes populaires mélangés à l'ordinaire de la messe catholique. L'ambiance de cette messe est des plus joyeuses, on y entend des réminiscences de La Flûte enchantée ainsi que des Noëls populaires. Singulier personnage que cet instituteur de campagne, père de 13 enfants, toujours en proie aux difficultés à une époque où on estimait l'école parfaitement inutile dans les campagnes. Très ouvert aux idées libérales, il parle le latin, le grec, le français, l'allemand et l'italien. Il lit Rousseau et Voltaire dans le texte et a une véritable vénération pour Mozart que l'on entend partout à Prague, la grande ville voisine. Il essaye d'élargir les programmes scolaires et de susciter l'approbation de ses nouvelles méthodes chez les habitants de sa petite ville. Étouffant dans cette atmosphère fermée aux idées nouvelles, il devient la bête noire du curé et doit passer son temps à se battre contre la bêtise et l'obscurantisme. Son catalogue, couvrant tous les genres, symphonies, concertos, musique de chambre, musique vocale et musique sacrée, comporte plus de mille cinq cents partitions qu'il signe souvent de pseudonymes fantaisistes. On se demande comment il a pu écrire tant de musique, harassé qu'il était par les tâches quotidiennes. En 1815, lassé par la médiocrité qui l'entoure et usé par tant d'activités il met fin à ses jours dans une forêt, près de Rozmital où on ne l'a jamais oublié. Un musée lui est dédié et sa Messe de Noël est chantée tous les 24 décembre dans la petite église du village. Un modeste chef-d??uvre à découvrir avec émerveillement.

Calssique : François Hudry 11/12/2013 par qobuz.com