Ainsi, après John Eliot Gardiner, Ton Koopman, Jordi Savall et quelques autres, William Christie, au faîte de son talent, crée son propre label discographique : "Les Editions Arts Florissants". C'est aussi une façon pour lui de se libérer du carcan des maisons de disques ou, tout simplement, de pouvoir exister sur ce marché qu'on dit agonisant. Notre souci depuis toujours est de maintenir notre liberté, liberté de choisir notre répertoire et de le confier à des interprètes de notre sensibilité, affirmait William Christie lors de la conférence de presse présentant son nouveau label. Voilà qui est prononcé sans aucune équivoque. Liberté, liberté chérie. Pouvoir choisir le répertoire, les solistes sans aucune contrainte et enregistrer quand les fruits sont mûrs et le moment venu, avec sa propre équipe technique, voilà les nombreux privilèges qui sont désormais ceux du créateur des Arts Florissants.

Une première livraison laisse augurer du meilleur avec ce magnifique Belshazzar de Haendel enregistré en studio, mais dans la foulée d'une série de concerts donnés en France (Caen, Paris) et en Europe (Barcelone, Madrid, Londres). Tout ici palpite de vie grâce à la direction engagée et pleine de feu de William Christie et des excellents solistes dont il a su s'entourer. Iestyn Davies campe un prophète Daniel plein de force, Rosemary Joshua restitue un portrait très convaincant de Nitocris et le jeune ténor Allan Clayton emporte l'adhésion dans le rôle subtil et ambigu de Belshazzar.

Mais le projet de William Christie ne s'arrête pas là. Homme de culture et de synthèse, il veut créer aussi un bel objet nanti d'un livret très fourni et d'un texte original de l'écrivain passionné de musique qu'est Jean Echenoz, par ailleurs auteur d'un remarquable ouvrage fictionnel consacré à Maurice Ravel.

Les parutions vont se suivre au rythme de quatre albums par an, dans un répertoire consacré, d'une part, à la musique française, spécialement celle de Jean-Philippe Rameau dont on s'apprête à commémorer le 250ème anniversaire de sa mort l'année prochaine et, d'autre part, à la musique de compositeurs italiens, anglais et allemands.

Point d'hiver ni de jachère pour les Arts Florissants, dont le dynamisme est encore renforcé par la co-direction de Paul Agnew choisi par William Christie pour pérenniser l'ensemble et lui donner un nouveau souffle. La perspective de l'installation des "ArtsFlo" dans les locaux de la future Philharmonie de Paris participe aussi de ce renouveau. C'était un vieux rêve, avoue William Christie le sourire aux lèvres, celui d'avoir enfin un "chez-nous" avec des bureaux, une bibliothèque, des activités pédagogiques, des salles de répétitions, une grande salle de concert constituant un monde entier pour nous.

Il y aussi ce partenariat avec la Juilliard School de New York et son nouveau département de musique baroque. Des étudiants sont venus participer, pour la première fois cet été, aux concerts donnés dans les jardins de William Christie dans son beau domaine de Thiré en Vendée. C'était l'amorce d'un festival appelé à croître et embellir grâce à la participation annoncée du Conseil général de Vendée pour l'année prochaine, avec la promesse de Promenades musicales et de Concerts aux chandelles.

L'Aventure des Arts Florissants, que vous pouvez suivre en toute quiétude sur votre Qobuz, continue donc de plus belle à un rythme très soutenu. Parmi les événements de la saison prochaine, on attend avec impatience la nouvelle production de Platée de Rameau, mis en scène par Robert Carsen qui sera présenté de Vienne à New York en passant par l'Opéra Comique, à Paris, du 20 au 30 mars 2014.

Soave sia il vento chante-t-on dans Cosi fan tutte. Souhaitons que les vents les plus doux continuent à souffler pour William Christie et Les Arts Florissants au milieu des bourrasques et des incertitudes de notre drôle de monde.

Classique : François Hudry 23/10/2013 par qobuz.com