Ça y est, la nouvelle saison de la Philharmonie Luxembourg est annoncée ! À cette occasion, Stephan Gehmacher, son directeur général depuis septembre dernier, dresse un bilan de sa première saison au Grand-Duché et évoque les éléments phares de la prochaine saison.

Qobuz.com : La présentation de la saison 2014/15 marque la fin de votre première année à la direction de la Philharmonie Luxembourg. Quel est votre bilan ?

Stephan Gehmacher : J’ai été très bien accueilli à Luxembourg. Par l’équipe de la Philharmonie mais aussi par son public. Vous devez savoir que le Luxembourg est un pays très international puisque 60% des habitants sont étrangers. Cette diversité rend très intéressante la recherche de programmes adaptés.

Quels sont les grands rendez-vous de la saison 2014/15 ?

— Il est difficile de répondre à cette question. La Philharmonie propose des spectacles très variés, couvrant beaucoup de genres musicaux. Ce ne serait donc pas très pertinent d'évoquer tel ou tel événement. En classique, l'Orchestre de Chicago vient avec Riccardo Muti, le London Symphony Orchestra avec Simon Rattle. Cela fait partie de notre travail d'amener les plus grands orchestres ici. Les grandes stars du jazz seront également présentes. Nous aurons l’honneur d’accueillir Herbie Hancock, Dee Dee Bridgewater et sa fille ainsi que Gregory Porter. C’est une saison pleine d’artistes extraordinaires dans une programmation très diversifiée, allant d’un cycle des neuf symphonies de Beethoven avec le Royal Concertgebouw Orchestra, à un festival de concerts jeune public, à des événements mêlant musique et yoga. Ces derniers sont d'ailleurs très populaires : nous proposons à notre public de pratiquer du yoga tout en écoutant des quatuors à cordes. C’est un très grand succès de notre saison passée, puisque toutes les places ont été vendues dès l’ouverture de la billetterie.

Est-il difficile de convaincre les orchestres et les solistes de renommée internationale de venir jouer à Luxembourg ?

— Luxembourg n’est pas Paris. Lorsqu’un orchestre américain fait une tournée en Europe, Luxembourg n’est pas un arrêt obligatoire. Mais je pense que mon prédécesseur a su tisser d’excellents liens à l’international et a fait en sorte que la Philharmonie soit une salle accueillante pour toutes les formations étrangères : ils apprécient l’ambiance et l’acoustique bien sûr ! Je pense qu’aujourd’hui le travail a porté ses fruits et ce sont maintenant les artistes qui nous demandent de se représenter chez nous.

Stephan Gehmacher © O.Minaire

En quoi l’Orchestre de la Philharmonie de Luxembourg se distingue-t-il des autres orchestres dans le monde ?

— Nous essayons justement de rendre l’OPL unique. Notamment à travers la diversification des formats de programmations. Nous proposons évidemment le grand répertoire, que nous avons inscrit dans la série « Les Grands Rendez-vous », mais nous nous efforçons de l’élargir. Par exemple, nous avons lancé l’année dernière la série « Aventure + » qui associe l’Orchestre à des chanteurs et des instrumentistes populaires dans des programmes contemporains. Ce format de concerts a remporté un vif succès l’année passée. Ainsi, nous souhaitons que le public se dise qu’aller à un concert de l’OPL est aussi bien que d’aller à un concert du Wiener Philharmoniker, bien que les deux soient tout à fait différents.

Le public luxembourgeois serait-donc plus sensible à ces nouveaux formats de concerts que d’autres publics ?

— Je ne crois pas que cela plaise véritablement au public traditionnel. Les nouveaux formats ont pour objectif de faire venir un public nouveau. Selon nos chiffres, la série « Aventure + » a attiré un grand nombre de nouveaux spectateurs à la Philharmonie et parmi eux, un grand nombre n’ayant jamais assisté à un concert de musique classique. Le nouveau public est un réel enjeu pour notre salle qui est implantée dans une zone peu dense. Le Luxembourg, la région de Metz et la partie belge voisine rassemblent à peine un million d’habitants. Comparativement, Paris, avec ses deux opéras et ses salles de concert, doit couvrir la demande de près de 15 millions de personnes !

Vous avez débuté votre carrière à l’administration du Festival de Salzbourg, vous avez travaillé au Bayerischer Rundfunk de Munich ainsi qu'à la planification artistique de l'Orchestre Philharmonique de Berlin. Quelles leçons de cette riche expérience appliquez-vous à Luxembourg ?

— Je ne pense pas pouvoir calquer un modèle sur un autre. Et ce que l’on apprend au travail doit être conjugué à ce que l’on apprend parallèlement dans notre vie. On gagne en expérience, on obtient des informations. Ce que j’ai appris à mes débuts au Festival de Salzbourg aux côtés de Gérard Mortier est que, bien sûr, l’on créé un programme pour un public donné et que connaître ses spectateurs est quelque chose d’indispensable. Mais il faut aussi croire en ce que l’on fait. Dans le cas contraire, il n’est pas possible d’attirer un public. C’est un principe de base. Il est ainsi nécessaire, non pas de forcer les artistes à interpréter des œuvres mais à concevoir avec eux les programmes, combiner leurs envies aux envies du public. Je suis là pour permettre à l’artiste de réfléchir à de nouvelles idées, je ne veux pas qu'il exécute les miennes.

En parlant de croyance, quel serait selon vous le lien parfait entre le public et la musique ?

— J’ai toujours souhaité par mon travail rendre les gens plus curieux. S’ils se rendent aux concerts, qu’ils découvrent et qu’ils apprécient, je suis heureux.