Vieux Sequins et Vieilles Cuirasses vous apporteront chaque semaine en classique et en jazz une petite série de trésors discographiques que la magie actuelle des rééditions permet de retrouver — mais le plus souvent sans documentation et sans éclairage du contexte de leur réalisation. Voyage en nostalgie...

Stanislas Niedzielski (1905-1975), un élève du grand Paderewski, réalisa un soir d'octobre 1957 à la Salle Pleyel à Paris le fantasme de bien des interprètes en passant à l'acte... Il flanqua une beigne monumentale au redoutable critique musical du Figaro, Bernard Gavoty, auquel il reprochait d'avoir écrit que son interprétation de la Troisième Etude de Chopin était un "massacre", lui qui s'était fait un nom en jouant justement son compatriote. Le successeur de Reynaldo Hahn fit valoir une incapacité de travail et obtint 2000 francs de l'époque de dommages et intérêts !

Niedzielski est aujourd'hui bien oublié mais injustement ; vous pourrez d'ailleurs juger par vous-même si la sévérité de Gavoty était justifiée ou non. Ou alors était-il simplement dans un mauvais soir ? Niedzielski créa le premier concerto de Cyril Scott, et une partie des Contes d'Espagne de Joaquín Turina.

(Ecouter ou télécharger "Niedzielski joue Chopin")

(DR)Il y eut Marie-Claire Alain, et avant elle le pionnier Helmut Walcha. La première enregistrait pour Erato, le second publiait sous la prestigieuse enseigne Arkiv Production. Né aveugle en 1907 à Francfort, Helmut Walcha étudia auprès de Günther Ramin au Conservatoire de Leipzig et embrassa durant sa vie entière l??uvre pour orgue de Bach dont, en spécialiste ? adulé de tous ?, il connaissait toutes les pages par c?ur. Il en réalisa une grande anthologie (1947-1952) puis une quasi-intégrale démarrée avec cet Art de la Fugue enregistré en septembre 1956. D'abord publiée en mono ? aujourd'hui rééditée par la BnF (Ecouter ou télécharger) ?, cette gravure sortit ensuite en stéréo au début des années soixante (dont la dernière réédition remonte à 2007).

Dès sa publication, cette version ne tarda pas à s'imposer pour devenir un succès mondial tant par les couleurs de registration que par la clarté de jeu et la précision inégalée du contrepoint. Une référence absolue pour certains, d'autant que la prise de son pour l'époque est excellente. Helmut Walcha a donné son dernier concert en 1981 après avoir achevé cette seconde intégrale en 1971. Une visite sur cette page fort bien faite vous permettra de redécouvrir la discographie de ce grand artiste cher au c?ur des discophiles au temps des microsillons !

On imagine l'événement que représenta une telle parution à l'époque : l'intégrale des ?uvres de Webern réunie en un beau coffret de quatre disques sous étiquette Columbia que publie la Bnf (Ecouter ou télécharger "Webern : Complete Music") ! La cheville ouvrière en était Robert Craft, celui-là même dont les mémoires parues il y a quelques années portaient le titre provocateur de "An Improbable Life" (Vanderbilt University Press). Craft fut longtemps considéré comme un homme sulfureux dont la longue amitié avec le dernier Stravinski fit soupçonner en quelque sorte quelques abus d'héritage.

Mais à considérer la qualité de son legs discographique en somme considérable ? encore tout récemment ?, et à redécouvrir la qualité de ces réalisations, on se convainc que ce personnage, totalement excentrique au sens propre dans le monde musical, essayiste autant que chef, aura apporté une pierre majeure à la discographie.

(Sur la page du site ou de votre application, déployez le détail des plages pour découvrir les interprètes.)

(DR)Une ?uvre délicieuse que ce Mozart (Ecouter ou télécharger) que nous rend la BnF, pièce de théâtre en trois actes en forme de comédie musicale créée au Théâtre Édouard VII en décembre 1925 que Sacha Guitry écrivit pour sa femme Yvonne Printemps. Une histoire de pure fiction, qui évoque les aventures de Mozart à vingt ans en visite à Paris, ville qu'il espère tant conquérir... Sacha Guitry avait d'abord pensé au vieux compositeur André Messager pour en écrire la musique mais celui-ci déclina. Ce fut donc Reynaldo Hahn qui eut cette redoutable mission dont il s'acquitta avec beaucoup d'adresse, d'élégance et de finesse.

André Jouve dirige "l'Orchestre des Concerts Français" (?) entouré de Annie Ducaux, Annie Rozanne, Maurice Escande... bref une belle équipe. En revanche Simone Simon ne fait pas partie de l'enregistrement comme les métadonnées malheureuses de cette édition le font apparaître (on va quand même vérifier).

À noter qu'une autre version de l??uvre existe dans les archives de la Radio sous la baguette de Pierre-Michel Le Conte.

Hannah Krooz

Ci-dessous les 4 albums BnF dont il est question dans l'article (Niedzielski, Bach/Walcha, Webern/Craft, Mozart/Hahn/Guitry)