Avec Calexico, cirKus, Pete Doherty, Piers Faccini, Sébastien Martel, Calexico, We Have Band et bien d’autres, le festival des Nuits Secrètes a offert une programmation à l’énergie bouillonnante en empruntant surtout des sentiers bien originaux. Explications.

Tel un petit poucet, le spectateur de l'édition 2009 des Nuits Secrètes d'Aulnoye-Aymeries aura eu l’occasion, du 7 au 9 août d’arpenter bien des parcours. Dans cette ancienne ville industrielle à la reconversion difficile, transfigurée pour l’occasion – l’accueil des 53.000 festivaliers est géré par 250 bénévoles et par l’important service de sécurité du festival – les familles chtis, les fans chevelus, les dandys rock et les nombreux kids venus de France et d’ailleurs, ont pu apprécier une programmation « à la fois populaire et exigeante », d’après son directeur artistique, Olivier Connan.

Des concerts gratuits de a grande scène à l’espace confiné du Jardin en passant par le dangereux Cabaret ou encore par la Bonaventure, le nightclub improvisé dans les locaux de l’Hôtel de Ville, il fallait de nombreux cailloux blancs pour ne pas se perdre dans les méandres d’une programmation éclectique et de lieux insolites, auxquels s’ajoutaient les traditionnelles attractions de la ducasse (fête foraine chti).

Surtout, tous les soirs à plusieurs reprises, deux bus aux vitres teintées se proposaient d’emmener, pour 6 euros, une cinquantaine de spectateurs à la découverte de musiciens « secrets » dans des endroits dont les noms étaient bien gardés…

Dans une école en rénovation aux environs d’Aulnoyes, le public, guidé par un troubadour grungy, a pu assister aux représentations de cirKus, le projet de Neneh Cherry, de son mari Burt Ford, du compositeur Matt Karmil et de la chanteuse Lolita Moon. Accueillis dans une salle rouge par un chant a capella et par un quatuor à cordes, les spectateurs ont déambulé entre des salles éclairées successivement de vert puis de bleu et décorées d’écrans de télévision cassés et de chaussures de sport. « Nous avons voulu déconstruire la synthèse lumineuse des couleurs d’un écran télé dans un parcours ludique et réflexif. Le sens « primitif » des couleurs a été lui-même pris à contre-pied, rouge pour la mélancolie plutôt que la colère, vert pour l’énergie punk plus que pour le calme naturel.», explique Ted Beagle, le scénographe. Les lampes de poche rouges, bleues et vertes distribuées à la fin du concert, et qu’il fallait balancer selon les instructions du chanteur, sont venues compléter le dispositif, dans une ambiance familiale et festive.

À quelques kilomètres de là, au château d’Hugémont de Dompierre-sur-Helpe, The River, le projet du songwriter Piers Faccini, de l’incontournable Sébastien Martel et du guitariste malien Makan Tounkara, ont fait naviguer les spectateurs. Guitares sèches, harmonica, et n’goni mariaient sonorités blues, folk, et mandingue. A la fin du dernier concert, surprise ! Vincent Segal, abandonnant Marianne Faithfull sur la grande scène, les rejoignait pour improviser une chanson malienne. Deux jours avant, c’était Piers Faccini qui faisait la surprise d’accompagner le violoncelliste a capella. Segal, connu pour sortir le violoncelle de son « milieu sonore naturel » et pour le mêler aux rythmes hip-hop ou électro, avait finalement réinvesti une chapelle du XVIIIe siècle du village d’Ecuélin…

Cette astucieuse mise en valeur du patrimoine local par le festival a trouvé son apothéose dans les ciné-concerts de l’activiste protéiforme David Taieb, mieux connu sous le nom de DJ Shalom. Redécouvrant quelques courts-métrages des frères Pathé ou de George Méliès, dans la vieille brasserie aux briques rouges de Monceau – Saint - Waast, le public a savouré des rencontres inattendues entre son et image en même temps qu’une bière locale.

Au total, onze départs se sont effectué en direction de sept artistes (Vincent Segal, The River, DJ Shalom, Cirkus, Sébastien Schuller, Saule & les Pleureurs, Théâtre de Chambre) et destinations inconnues.

En ville, tous les chemins menaient, eux à la ducasse – on y a même vu le leader des Babyshambles jouer aux auto-tamponneuses après un émouvant concert solo. À la même heure, la pop intello des new-yorkaises d’Au Revoir Simone berçait le Jardin, au risque d’ennuyer un peu. Il a fallu les mariachis de Calexico et le professionnalisme de John Convertino pour réchauffer une nuit fraîche, finalement électrisée par l’énergique General Elektriks. Avec un groove à réveiller les morts et faire danser un paraplégique, l’incroyable Hervé Salters, rompu aux claviers vintages et au groove de M, DJ Mehdi ou encore de Blackalicious, présentait quelques morceaux de son nouvel album Good City For The Dreamers. Entre solos sautillants et déhanchements funky (notamment durant le génial Little Lady), il démontre une fois de plus que l’électro-funk française n’a rien à envier à nos compères américains. La suite à la Bonaventure, ouverte par les noisy Kap Bambino, a oscillé entre la techno minimale d’Agoria et la house dansante de Djedjotronic. La veille, la nuit avait été réveillée par les marionnettes des Puppetmastaz, les fougueux Stuck In The Sound ou encore le trio electro-pop 80’s des anglais We Have Band, suivis d’un set (bonne) surprise du DJ lillois MYD.

Mais il fallait faire un détour par le très rock’n’roll Cabaret des dangers et se risquer au rockabilly-psyché de Sheetah & The Wessmuller pour comprendre le secret de ces nuits agitées. Le groupe, mené par un drôle de personnage à l’énergie indomptable, assénait trois fois par jour des chansons à hurler de rire et décoiffer les choucroutes de ses danseuses en robes à paillettes. Invité à sillonner entre les expositions de tapettes, les combats de catch burlesques, et les conférences poilantes, on y redécouvrait l’essence même du rock, entre fête foraine, shows arty et énergie brûlante.

Ce sont d’ailleurs les Sheetahs, se faisant passer avec beaucoup d’humour pour M, qui ont clôturé par surprise la grande scène le dimanche 9 août, pendant que le hip-hop enragé, militant lesbien et chrétien (si, si, c’est possible !) de Yo ! Majesty fermait le Jardin. Les festivaliers les plus résistants ont pu profiter d’une dernière aventure avec Minimal Western, projet issu de la rencontre entre DJ Shalom, Franck Marco et Feini-X-Crew.

Empruntant des sentiers secrets bien originaux, ces nuits aulnésiennes auront été l’occasion de montrer que l’intérêt d’un festival rock – dont le format a explosé en France ces dernières années – tient autant dans un ancrage local que dans une programmation internationale et éclectique. Et que surtout, il ne saurait se passer de l’énergie bouillonnante suscitée par des rencontres inattendues.

Le site officiel des Nuits Secrètes 2009